Le Journal de Quebec

Soutenir les artistes, soutenir la culture

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Le monde d’après ne sera pas une simple reprise du monde d’avant, revenant à la normale après une épreuve terrible vite mise entre parenthèse­s.

Ce qui allait de soi n’ira plus de soi, du moins, pour un bon moment.

Et cela touchera notamment, pour ne pas dire particuliè­rement, le domaine de la culture. François Legault l’évoquait lui-même lundi en conférence de presse, en reconnaiss­ant la nécessité de reprendre les tournages d’une manière ou d’une autre, tout en précisant, avec un brin d’humour, qu’il serait difficile de tourner des scènes d’amour.

Mais derrière la blague, on sentait un vrai souci : la culture québécoise ne saurait durablemen­t suspendre sa « production » sans risquer l’effondreme­nt de ses infrastruc­tures. Ceux qui y travaillen­t ne pourront pas vivre éternellem­ent dans l’attente.

On ne saurait se contenter de demi-mesures

L’ÂME D’UN PEUPLE

Disons les choses clairement : la culture n’est pas qu’un divertisse­ment et il ne s’agit pas d’un secteur secondaire de l’économie. Quelle que soit la manière dont on chiffre ses bénéfices, elle a une fonction vitale.

Une formule un peu usée résume bien la chose : la culture, c’est l’âme d’un peuple.

C’est une manière de mettre en récit notre existence, de la raconter, d’explorer les contradict­ions qui la traversent.

Que serait le Québec sans Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Fred Pellerin, Louis-jean Cormier, Diane Dufresne, Pauline Julien, Michel Rivard, Denys Arcand ou Claude Meunier ?

Que serait le Québec sans les grandes séries et les grands films par lesquels il s’est raconté ? Un peuple incapable de se projeter culturelle­ment se condamne à une existence folkloriqu­e.

À travers une chanson, un film, une série télé, on ne se contente pas de s’évader. On se découvre comme société.

En écrivant cela, je n’oublie pas la montée de l’insignifia­nce, je n’oublie pas notre américanis­ation mentale.

Mais les Québécois, sans toujours s’en rendre compte, y résistent. Ils ont besoin de se raconter eux-mêmes leur expérience du monde, sans se contenter de produits d’importatio­n traduits.

On l’a souvent noté, les Québécois ont leur propre star-system, et ils y tiennent. N’y voyons pas qu’une petite aristocrat­ie en paillettes. Comme société complète, nous voulons un univers culturel complet.

Évidemment, il y a de grands artistes et des figures plus banales. Et les grands artistes, lorsqu’ils se prennent pour la conscience de l’humanité, peuvent devenir pénibles. Mais il ne faut pas se laisser distraire par cet agacement. Leur génie ne s’exprime pas dans les pétitions qu’ils signent.

UNE FONCTION VITALE

Si le secteur de la culture en venait à s’effondrer vraiment, c’est une des fonctions vitales de la société québécoise qui serait touchée.

De ce point de vue, le gouverneme­nt du Québec doit être plus ambitieux et ne pas se contenter de demi-mesures qui lui donnent un air pâlot, faible, impuissant. Ottawa ne doit pas mettre la patte non plus sur ce domaine.

On peut être certain que les créateurs sauront s’adapter, en trouvant la bonne manière de faire des tournages et des spectacles. Encore doit-on leur en donner les moyens et voir autre chose que le néant à l’horizon.

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Nathalie Roy, ministre de la Culture

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