Dommages collatéraux
Depuis le début de la crise de la Covid-19, le choix initial du gouvernement Legault de tenter avant tout de protéger la capacité du réseau hospitalier à y répondre multiplie les dommages collatéraux.
L’intention était de bonne foi. On cherchait à éviter le scénario dit « italien » — hôpitaux débordés, manque de respirateurs, etc. À la négative, ce choix s’est néanmoins avéré lourd de conséquences.
Produit de la lourde culture d’« hospitalo-centrisme » qui, au Québec, domine depuis de longues années, ce choix a braqué les projecteurs sur l’extrême faiblesse du reste du réseau de la santé et des services sociaux.
On a « protégé » les hôpitaux, mais à quel prix ? Dans l’impréparation totale, les CHSLD et résidences pour personnes âgées ont été laissés à euxmêmes. Pour « vider » des lits d’hôpitaux, on a même « déménagé » des patients âgés ou handicapés dans des CHSLD. Là où la mort les attendait.
Nul ne sait non plus combien de personnes voient leur santé fragilisée ou mise en danger par l’annulation de nombreuses procédures non reliées au coronavirus. Notamment en cancérologie, dont les examens de dépistage.
IMPACT INQUIÉTANT
Il est vrai que ce « délestage » massif d’activités visait à diminuer dans les hôpitaux les risques de propagation du virus aux patients et au personnel. L’impact n’en est pas moins inquiétant.
Selon Le Devoir, des oncologues « craignent de faire face à une vague de nouveaux cas de cancer du sein cet été au Québec. Le programme québécois de dépistage, destiné aux femmes de 50 à 69 ans, est en suspens depuis le début de la pandémie de COVID-19. […] Mais la maladie, elle, continue de frapper. »
Ces oncologues ont raison de s’inquiéter. Dès que le dépistage reprendra lentement, ce délestage massif risque de créer un goulot d’étranglement dans le système.
En attendant, on rate aussi la chance de détecter des cas de cancer plus tôt que plus tard. La détection précoce du cancer du sein est pourtant vitale pour mieux le combattre. À l’âge de 35 ans, je l’ai compris. La rapidité du diagnostic d’un cancer du sein agressif, de la chirurgie et des traitements m’a sauvé la vie.
SAUVER DES VIES
Les mammographies et examens cliniques sauvent aussi des vies chez celles qui, ayant déjà eu un cancer, sont à risque de récidive.
Au début mai, Le Journal rapportait qu’au Québec, la COVID-19 frappe les femmes plus durement que les hommes. Elles représentent « 59,7 % des personnes contaminées par le virus et 54,1 % des décès, indiquent des données de l’institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ».
Les retards pris en cancérologie du sein s’ajoutent au portrait. Des annulations et reports de tests d’imagerie et d’endoscopie, dont des colonoscopies, ont toutefois touché tous les types de cancer. Comme si l’angoisse qui nous ronge dans l’attente d’un diagnostic ne suffisait pas.
Quand l’heure des bilans aura sonné, tous ces éléments devront en faire partie. Puisque le gouvernement entend redresser notre système de santé, devenu au fil du temps un mammouth technocratique aussi incohérent qu’ingérable, il le faudra bien.