Le Journal de Quebec

Dommages collatérau­x

- josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Depuis le début de la crise de la Covid-19, le choix initial du gouverneme­nt Legault de tenter avant tout de protéger la capacité du réseau hospitalie­r à y répondre multiplie les dommages collatérau­x.

L’intention était de bonne foi. On cherchait à éviter le scénario dit « italien » — hôpitaux débordés, manque de respirateu­rs, etc. À la négative, ce choix s’est néanmoins avéré lourd de conséquenc­es.

Produit de la lourde culture d’« hospitalo-centrisme » qui, au Québec, domine depuis de longues années, ce choix a braqué les projecteur­s sur l’extrême faiblesse du reste du réseau de la santé et des services sociaux.

On a « protégé » les hôpitaux, mais à quel prix ? Dans l’impréparat­ion totale, les CHSLD et résidences pour personnes âgées ont été laissés à euxmêmes. Pour « vider » des lits d’hôpitaux, on a même « déménagé » des patients âgés ou handicapés dans des CHSLD. Là où la mort les attendait.

Nul ne sait non plus combien de personnes voient leur santé fragilisée ou mise en danger par l’annulation de nombreuses procédures non reliées au coronaviru­s. Notamment en cancérolog­ie, dont les examens de dépistage.

IMPACT INQUIÉTANT

Il est vrai que ce « délestage » massif d’activités visait à diminuer dans les hôpitaux les risques de propagatio­n du virus aux patients et au personnel. L’impact n’en est pas moins inquiétant.

Selon Le Devoir, des oncologues « craignent de faire face à une vague de nouveaux cas de cancer du sein cet été au Québec. Le programme québécois de dépistage, destiné aux femmes de 50 à 69 ans, est en suspens depuis le début de la pandémie de COVID-19. […] Mais la maladie, elle, continue de frapper. »

Ces oncologues ont raison de s’inquiéter. Dès que le dépistage reprendra lentement, ce délestage massif risque de créer un goulot d’étrangleme­nt dans le système.

En attendant, on rate aussi la chance de détecter des cas de cancer plus tôt que plus tard. La détection précoce du cancer du sein est pourtant vitale pour mieux le combattre. À l’âge de 35 ans, je l’ai compris. La rapidité du diagnostic d’un cancer du sein agressif, de la chirurgie et des traitement­s m’a sauvé la vie.

SAUVER DES VIES

Les mammograph­ies et examens cliniques sauvent aussi des vies chez celles qui, ayant déjà eu un cancer, sont à risque de récidive.

Au début mai, Le Journal rapportait qu’au Québec, la COVID-19 frappe les femmes plus durement que les hommes. Elles représente­nt « 59,7 % des personnes contaminée­s par le virus et 54,1 % des décès, indiquent des données de l’institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ».

Les retards pris en cancérolog­ie du sein s’ajoutent au portrait. Des annulation­s et reports de tests d’imagerie et d’endoscopie, dont des colonoscop­ies, ont toutefois touché tous les types de cancer. Comme si l’angoisse qui nous ronge dans l’attente d’un diagnostic ne suffisait pas.

Quand l’heure des bilans aura sonné, tous ces éléments devront en faire partie. Puisque le gouverneme­nt entend redresser notre système de santé, devenu au fil du temps un mammouth technocrat­ique aussi incohérent qu’ingérable, il le faudra bien.

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e Blogueuse au Journal JOSÉE LEGAULT Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique
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Les mammograph­ies et examens cliniques sauvent des vies, mais avec la pandémie, les retards s’accumulent.

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