Le Journal de Quebec

Un chef d’antenne au front

En 45 ans de carrière télévisuel­le, Pierre Bruneau n’a jamais connu une période aussi tourmentée

- MARIE-JOSÉE R. ROY

Pierre Bruneau a un peu l’impression de vivre l’équivalent d’une soirée d’élections à un rythme quotidien depuis le début de la pandémie. En ondes quatre heures par jour à TVA et LCN, le chef d’antenne dit n’avoir jamais affronté pareille tempête en 45 ans de carrière.

L’agence QMI joint Pierre Bruneau au téléphone à 14 h 30, jeudi après-midi. Le point de presse de 13 h vient de se terminer, il est en train de dîner, et doit se remettre au boulot une quinzaine de minutes plus tard pour préparer le bulletin du TVA Nouvelles de 17 h et 18 h.

L’homme tient cette cadence depuis le 12 mars, moment où le gouverneme­nt a pris les choses en main pour stopper la pandémie de COVID-19 au Québec. Le premier mois du confinemen­t, le pilier de l’informatio­n travaillai­t six jours par semaine, dont le dimanche. Ce n’est que depuis la semaine dernière qu’il est revenu à son horaire régulier de quatre jours par semaine.

« C’est un peu fou, reconnaît Pierre Bruneau. Les journées sont particuliè­rement longues et occupées. Après le bulletin de nouvelles, il faut être attentif aux questions, à tout. On ne peut pas faire ça en dilettante. J’avoue que c’est un travail que j’aime, mais qui est très accaparant par les temps qui courent ! »

JAMAIS VU

Pierre Bruneau l’avoue: il ne « pensait jamais vivre ça de [sa] vie ». Même en mars, il n’envisageai­t pas un tel début d’été. Il se souvient certes d’autres événements qui ont tenu le Québec en haleine dans le passé et mis son métier à vif, comme la tuerie de Polytechni­que (1989), la crise d’oka (1990) et la crise du verglas (1998), mais jamais autant de vies n’ont été en jeu, et à une telle échelle internatio­nale, estime-t-il. Et il considère qu’on n’est « pas sortis du bois ».

« Encore aujourd’hui, 74 décès, constate-t-il. Tous les jours, on a un bilan qui est lourd. C’est lourd, jour après jour, montrer des corps qui sortent d’un hôpital, d’un CHSLD. Au-delà des chiffres, il y a des familles qui sont endeuillée­s, qui vivent des décès. Et ça, c’est plus qu’une statistiqu­e. C’est terrible. Moi, je dis toujours que, derrière chaque nouvelle, il y a des gens. Et ces gens s’attendent à ce qu’on ait une pensée pour eux. »

Le communicat­eur rappelle qu’encore aujourd’hui, alors que s’amorce le déconfinem­ent, on nage toujours en pleine incertitud­e en ce qui a trait aux vaccins, à la recherche, à certaines rumeurs et fausses nouvelles. Souvent malmenés, les journalist­es et leur travail deviennent d’autant plus essentiels, juge-t-il.

« Les gens trouvent qu’on en fait trop ou pas assez. Notre travail est de poser des questions. On n’est pas dans un pays seulement de verdure et de roses. On est dans une situation où des gens meurent. Est-ce qu’il faudrait prendre note des 74 décès, sans questionne­r le où, quand, comment et pourquoi c’est survenu ? Plusieurs se contentent de se dire que c’est une crise et que c’est ainsi que ça doit se passer, mais ce n’est pas le cas. Est-ce qu’on aurait pu éviter la moitié de ces décès ?

« Les journalist­es rappellent certains faits, qui amènent les gouverneme­nts à bouger. Pourquoi les familles qui vivent des drames, et le personnel qui vit l’angoisse se tournent souvent vers les journalist­es ? Parce que les politicien­s ne les écoutent pas. Mais quand ça passe entre les mains des journalist­es, il se passe quelque chose », poursuit Pierre Bruneau, qui soutient que les médias sont bien plus « réalistes » que « sensationn­alistes ».

DANS L’ACTION

Confiné comme le reste du Québec chez lui, à quelques pas des studios de TVA et près de l’hôpital Notre-dame, Pierre Bruneau se trouve toujours au coeur de l’action. Son entourage profession­nel respecte les directives de distanciat­ion physique et lui laisse son bureau pour s’isoler en toute sécurité, mais le collection­neur de trophées Artis avoue avoir hâte de retrouver la proximité avec son équipe éditoriale. Et, bien sûr, il trépigne d’impatience à l’idée d’embrasser ses cinq petits-enfants.

« Ça, on a hâte de les voir ! lance-t-il spontanéme­nt. On recommence tranquille­ment ; la semaine dernière, on a pu se voir à l’extérieur, comme c’est maintenant permis. On a profité de cette rencontre, et on pourra le refaire en fin de semaine. Ça aide le moral ! »

« Je dis que, derrière chaque nouvelle, il y a des gens. Et ces gens s’attendent à ce qu’on ait unepenséep­oureux.»

Pierre Bruneau anime les bulletins du TVA Nouvelles de 12 h, 17 h et 18 h, à TVA et LCN.

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PHOTO COURTOISIE TVA Au début de la pandémie, Pierre Bruneau a travaillé six jours par semaine.

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