Autre dur coup pour le tourisme
C’est un milliard de dollars en retombées économiques que le Québec perdra avec l’annulation des croisières
L’annulation de la saison des croisières annoncée hier par le fédéral représentera des pertes énormes d’environ un milliard de dollars pour la province. À Québec et à Saguenay, la nouvelle est arrivée comme une douche froide sur une industrie touristique déjà fragilisée par la crise.
« On parle d’un milliard de retombées qui s’envolent », soupire René Trépanier, directeur général de l’association des croisières du Saint-laurent. « Ce sont des centaines d’entreprises touristiques qui ne vivent pas à 100 % des croisières, mais pour qui l’industrie fait la différence entre faire ses frais et faire du profit. »
L’annulation est forcée par la décision du ministre des Transports, Marc Garneau, d’interdire les croisières internationales de plus de 100 passagers jusqu’au 31 octobre. Plusieurs compagnies avaient malgré tout déjà commencé à annuler leur passage au Québec au cours des dernières semaines.
« Ce n’est pas une surprise, c’était quasiment inévitable. Mais il reste qu’on est très déçus, surtout pour l’industrie touristique », explique Mario Girard, PDG du Port de Québec.
PERTES MAJEURES
Dans le Vieux-québec, la nouvelle tombe comme une douche froide pour les commerçants qui ne l’avaient déjà pas facile depuis quelques semaines.
« C’est mauvais pour le quartier, c’est mauvais pour Québec, pour tous les intervenants et les guides touristiques qui accompagnent les croisiéristes, c’est évident », souligne Jacques Leclerc, gérant de la boutique La Malle aux souvenirs.
Le secteur se tourne maintenant vers les Québécois pour compenser un tant soit peu la perte des 210 M$ en retombées perdues.
« On se prépare à faire de la promotion auprès des gens du Québec et à accueillir le plus de Québécois possible », se résigne Sandra Turgeon, directrice générale de la Coopérative du quartier Petit Champlain.
« La situation touristique est désastreuse à Québec pour la prochaine année ; on n’a aucun touriste américain, européen et asiatique. Ça va être de l’intra-québec. Moi, j’ai juste hâte qu’on annonce la réouverture des restaurants, puis qu’on puisse au moins offrir aux locaux de venir s’asseoir sur nos terrasses », ajoute Pierre Moreau, PDG du Groupe Restos Plaisirs, qui possède Le Cochon Dingue, Le Lapin Sauté et Le Café du Monde dans le Vieux-québec.
SAISON À L’EAU POUR SAGUENAY
Promotion Saguenay, qui gère la saison des croisières dans la région du Saguenay– Lac-saint-jean a de son côté indiqué que c’est une saison qui s’annonçait record qui tombe à l’eau.
« L’impact pour notre région sera majeur. [...] Il y a une incertitude importante qui règne, personne ne sait vraiment où on s’en va », indique Patrick Bérubé, directeur général de l’organisme, assurant que des mesures d’aide s’organiseront. « On ne met pas une croix sur les croisières, on met une croix sur 2020. »
Mélanie Morin, propriétaire de la boutique À moi de moi, située à deux pas du quai de croisière de La Baie, précise que c’est près de la moitié de son chiffre d’affaires annuel qui s’envole en fumée. « On vit du tourisme. Oui, des internationaux qui arrivent sur les bateaux, mais aussi des gens du coin, par exemple du LacSaint-jean, qui viennent voir les bateaux. […] C’est un grand pas en arrière qu’on fait », déplore l’artisane.
CAP SUR 2021
Prête à se laisser quelques jours pour encaisser le choc, l’industrie assure toutefois qu’elle ne s’effondrera pas à la suite de ce coup dur. Déjà, on planche sur le retour des croisiéristes pour 2021 dans une formule qui devra malgré tout être adaptée.
« On voit déjà de l’offre modifiée avec distanciation sur les bateaux qui seront probablement remplis à 40 % maximum. L’industrie devra se réinventer complètement », croit Mario Girard, assurant que Québec serait prête à toute éventualité. « On a la chance d’être une destination prisée, on sait qu’on sera en top de liste. On lèvera la main quand ils auront besoin. »
L’association des croisières du SaintLaurent croit de son côté que l’industrie peut jouer un rôle clé dans la relance économique, d’où l’importance d’être prêt en 2021. « Avec ce que ça coûte au gouvernement, ça va prendre de l’argent neuf et c’est exactement ce que les croisières font avec 95 % de clientèle internationale », fait remarquer René Trépanier.
— Avec la collaboration de Jean-luc Lavallée