La grossophobie
C’est une des plus récentes phobies à s’inscrire dans la rectitude politique actuelle. L’humoriste Martin Matte vient de subir un choc qu’on appelle anthropologique. La réaction à sa publicité de Maxi, où il s’est transformé en gros entouré de produits québécois, a été quasi instantanée.
Pour Anorexie et Boulimie Québec, que cite hier ma consoeur Sophie Durocher, « cette publicité pourrait avoir un impact sur la détresse psychologique, la honte et la culpabilité en raison des messages véhiculés ». Pas étonnant que Maxi (au nom prémonitoire) ait retiré sa pub surle-champ.
Le geste se comprend de la part d’une entreprise d’alimentation qui voit gros. Mais il n’en constitue pas moins un geste de censure de plus dans une période particulièrement préoccupante de violation, nécessaire à court terme, de droits de la personne.
Tout ce qui est différent peut être discriminé même s’il ne devrait pas l’être selon les uns et les autres. Mais il existe une discrimination contre laquelle aucune charte des droits ne peut s’appliquer : celle concernant la beauté physique. Chez les hommes et les femmes, d’ailleurs.
Les belles femmes considérées comme telles démarrent dans la vie avec un avantage imparable. Mais ce trait physique ne mène ni au bonheur, ni à l’amour, ni à la réussite professionnelle, s’il ne se double pas de qualités plus personnelles et intérieures.
HYPOCRISIE
On peut également rire des belles. « Beautiful but dumb », disent les Anglais d’une belle femme qui a l’air stupide. Il faut regarder les couples dans la rue pour remarquer que si les hommes sont attirés par les « belles », lorsqu’il s’agit de choisir une compagne pour la vie, d’autres critères prennent à l’évidence le dessus.
Il y a une hypocrisie qui se terre derrière le discours de ceux qui, au nom de la rectitude politique, se portent à la défense systématique des femmes, des obèses, des LGBTQ+, des handicapés, bref de victimes de tous genres.
Que cela plaise ou non, la différence dérange et surprend, et ceux qui prétendent n’avoir aucun préjugé sont de fieffés menteurs. Il existe des valeurs personnelles et collectives qui permettent aux humains de résister aux réflexes primitifs, claniques, raciaux et sexuels pour adopter une vision universelle et respectueuse des différences.
NUANCE ESSENTIELLE
Et l’humour n’existe pas sans l’esprit. D’ailleurs, avant la multiplication vertigineuse au Québec d’humoristes de tout acabit, on disait de quelqu’un qui pratiquait cet art vital pour le moral qu’il avait beaucoup d’esprit.
Dans cette perspective, les humains ne sont pas à l’abri d’être objet du rire. C’est dans l’intention que la nuance est essentielle. La méchanceté et la cruauté volontaires ne devraient pas être du matériel humoristique au premier degré. Mais il n’y a pas que les gros qui peuvent rire des gros, des femmes pour rire des femmes, les gais pour rire des gais. Les homosexuels qui se moquent des femmes peuvent être hilarants de même que les Noirs à l’endroit des Blancs. Et ces derniers peuvent se moquer des Français. Tout est affaire d’esprit, d’empathie, d’ouverture. Et l’autodérision devrait être l’affaire de tous. Pour nous faire rire en choeur, de bon coeur.
Il vaut mieux en rire qu’en pleurer.