La difficile mission de Nathalie Roy
La culture est doublement frappée par la pandémie actuelle.
De manière directe d’abord : les salles de spectacles sont fermées. Ardu, voire impossible pour les artistes de gagner leur vie.
Ensuite, lorsqu’on aborde les tourments de ce secteur, immanquablement on se sent obligé de relativiser. On soulignera – à raison – que, bien sûr, ils ne sont pas les seuls, qu’« il y a pire » : des gens souffrent, sont malades et meurent.
La culture apparaît à ce moment superflu, du luxe. Ce n’est pas le cas bien entendu. À preuve, tous ces artistes qu’on a mobilisés – la plupart du temps bénévolement – pour divertir, ou même « passer des messages ».
MINISTRE CRITIQUÉE
Difficile d’être ministre de la Culture dans ce contexte. Nathalie Roy fait l’objet de critiques souterraines depuis des jours. « Mais où est-elle ? »
Cette semaine, celles-ci ont émergé avec la lettre de 250 artistes des « arts vivants » profondément déçus de la seule annonce en culture depuis neuf semaines, le 22 mai.
Les signataires, le metteur en scène Olivier Kemeid en tête, disent avoir retenu ceci : « Mettez deux ou trois kodaks dans le coin de la scène, ça devrait faire l’affaire en attendant. Pour le reste, il y a les ciné-parcs ». Une partie du secteur de la culture y a vu une « non-annonce ». Par conséquent, ils exigent « de toute urgence une rencontre avec la ministre ».
Bien sûr, la fameuse Prestation canadienne d’urgence n’est pas éternelle. Et on a beau tenter de se « réinventer », si on ne peut rassembler un public, que faire?
Mais que peut la ministre exactement ? Inventer une autre prestation ? Déconfiner la culture tous azimuts, avec les risques élevés ? Déjà qu’il s’avère complexe de rouvrir musées et bibliothèques, imaginez les salles de spectacles !
QS proposait hier dix gestes ; un budget de 332 millions $. Notamment en distribuant, à 1,5 million de Québécois, des bons de 60 $ à dépenser en culture numérique.
La piste mérite discussion, surtout en raison de l’objectif : contrebalancer la domination américaine.
BON COUP
Il n’y a pas que les arts vivants. Il y a le patrimoine. Notamment religieux. La nécessaire fermeture des lieux de culte, pendant la pandémie, a affecté les finances déjà chancelantes des diocèses, ce qui pourrait accélérer le mouvement de « vente de feu » des églises, lesquelles sont toujours des bâtisses historiques et centrales.
Heureusement, la ministre Roy en a peut-être sauvé une de la démolition hier, en signant un avis d’intention de classement pour l’église du Très-saint-sacrement à Québec, centenaire. Son intérêt patrimonial, écrit la ministre, repose « sur ses valeurs historique, artistique, architecturale et paysagère ». Le cardinal Gérald Cyprien Lacroix a traité le geste d’irresponsable ; pressé, comme l’église l’est trop souvent, de recueillir les sous d’une transaction immobilière.
Le dynamique comité de sauvegarde fait comprendre que ce grand édifice représente un phare dans son quartier et qu’une fois réparé, il pourrait accueillir un centre des loisirs, une annexe à l’école, une coopérative funéraire, etc.
C’est ça aussi, la culture.