Le Journal de Quebec

La difficile mission de Nathalie Roy

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

La culture est doublement frappée par la pandémie actuelle.

De manière directe d’abord : les salles de spectacles sont fermées. Ardu, voire impossible pour les artistes de gagner leur vie.

Ensuite, lorsqu’on aborde les tourments de ce secteur, immanquabl­ement on se sent obligé de relativise­r. On soulignera – à raison – que, bien sûr, ils ne sont pas les seuls, qu’« il y a pire » : des gens souffrent, sont malades et meurent.

La culture apparaît à ce moment superflu, du luxe. Ce n’est pas le cas bien entendu. À preuve, tous ces artistes qu’on a mobilisés – la plupart du temps bénévoleme­nt – pour divertir, ou même « passer des messages ».

MINISTRE CRITIQUÉE

Difficile d’être ministre de la Culture dans ce contexte. Nathalie Roy fait l’objet de critiques souterrain­es depuis des jours. « Mais où est-elle ? »

Cette semaine, celles-ci ont émergé avec la lettre de 250 artistes des « arts vivants » profondéme­nt déçus de la seule annonce en culture depuis neuf semaines, le 22 mai.

Les signataire­s, le metteur en scène Olivier Kemeid en tête, disent avoir retenu ceci : « Mettez deux ou trois kodaks dans le coin de la scène, ça devrait faire l’affaire en attendant. Pour le reste, il y a les ciné-parcs ». Une partie du secteur de la culture y a vu une « non-annonce ». Par conséquent, ils exigent « de toute urgence une rencontre avec la ministre ».

Bien sûr, la fameuse Prestation canadienne d’urgence n’est pas éternelle. Et on a beau tenter de se « réinventer », si on ne peut rassembler un public, que faire?

Mais que peut la ministre exactement ? Inventer une autre prestation ? Déconfiner la culture tous azimuts, avec les risques élevés ? Déjà qu’il s’avère complexe de rouvrir musées et bibliothèq­ues, imaginez les salles de spectacles !

QS proposait hier dix gestes ; un budget de 332 millions $. Notamment en distribuan­t, à 1,5 million de Québécois, des bons de 60 $ à dépenser en culture numérique.

La piste mérite discussion, surtout en raison de l’objectif : contrebala­ncer la domination américaine.

BON COUP

Il n’y a pas que les arts vivants. Il y a le patrimoine. Notamment religieux. La nécessaire fermeture des lieux de culte, pendant la pandémie, a affecté les finances déjà chancelant­es des diocèses, ce qui pourrait accélérer le mouvement de « vente de feu » des églises, lesquelles sont toujours des bâtisses historique­s et centrales.

Heureuseme­nt, la ministre Roy en a peut-être sauvé une de la démolition hier, en signant un avis d’intention de classement pour l’église du Très-saint-sacrement à Québec, centenaire. Son intérêt patrimonia­l, écrit la ministre, repose « sur ses valeurs historique, artistique, architectu­rale et paysagère ». Le cardinal Gérald Cyprien Lacroix a traité le geste d’irresponsa­ble ; pressé, comme l’église l’est trop souvent, de recueillir les sous d’une transactio­n immobilièr­e.

Le dynamique comité de sauvegarde fait comprendre que ce grand édifice représente un phare dans son quartier et qu’une fois réparé, il pourrait accueillir un centre des loisirs, une annexe à l’école, une coopérativ­e funéraire, etc.

C’est ça aussi, la culture.

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Que peut la ministre exactement ? Inventer une autre prestation ? Déconfiner la culture tous azimuts, avec les risques élevés ?
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