Le Journal de Quebec

Émotions fortes au Cabaret Lion d’or

Le groupe Dear Criminals offre des mini-concerts jusqu’à demain

- RAPHAËL GENDRON-MARTIN Le Journal de Montréal raphael.gendron-martin @quebecorme­dia.com

Ce sont les premiers « concerts » de la pandémie. Ce week-end, le groupe Dear Criminals offre 94 mini-prestation­s d’une chanson pour des publics d’un à deux spectateur­s. J’ai eu la chance d’avoir droit à un de ces concerts privés. J’en suis sorti chamboulé.

« Je n’étais pas prête à recevoir ça », m’a lancé ma femme, en larmes, dans la ruelle du Lion d’or. Quelques secondes plus tôt, on était tous les deux assis sur des chaises, sur la scène du célèbre cabaret. À deux pieds de nous, de l’autre côté de grands plexiglas se trouvaient les trois membres de Dear Criminals.

En entrevue quelques jours plus tôt, la chanteuse Frannie Holder m’avait dit à quel point l’expérience qu’ils avaient imaginée pourrait être intimidant­e pour les spectateur­s qui allaient y prendre part. Je n’avais pas saisi toute la portée de ce qu’elle disait.

Habituelle­ment, lorsqu’on assiste à un concert, on se répartit la « charge émotive » de la prestation avec les autres centaines de personnes qui sont dans la salle. Mais là, non. Toute la charge est absorbée par une ou deux personnes. Et c’en est bouleversa­nt.

Dear Criminals a eu l’idée de ces mini-concerts en plein confinemen­t, il y a quelques semaines. Puisque les rassemblem­ents étaient encore interdits, mais que les commerces avec pignon sur rue pouvaient ouvrir, le groupe s’était dit qu’il pourrait jouer pour des publics très intimes d’une à deux personnes.

SEULS AU MONDE

J’ai eu droit à ma propre performanc­e privée, sur le coup de 14 h 30. J’ai décidé d’y aller avec ma femme, car c’est justement au Lion d’or qu’on s’est mariés, il y a presque deux ans jour pour jour. Et comme j’avais le choix de la chanson de Dear Criminals, j’ai opté pour Where We Started.

« Où nous avons commencé… » Une phrase empreinte de symbolique pour mon couple dans ce cabaret, mais aussi pour le groupe lui-même, qui a donné parmi ses premiers concerts à Montréal au Lion d’or.

En arrivant au Lion d’or, on nous a montré le chemin à suivre. Il fallait entrer par les coulisses, pour arriver directemen­t sur la scène. Même s’il faisait soleil à l’extérieur, le Lion d’or était sombre et vide. On arrivait sur les planches et les trois musiciens nous attendaien­t, de l’autre côté du plexiglas. Dans le silence le plus complet, sous un éclairage tamisé qui nous faisait sentir seuls au monde avec eux, ils ont commencé la chanson.

PROXIMITÉ INTIMIDANT­E

Des frissons ont parcouru nos corps. L’interpréta­tion était introspect­ive, mais aussi intense. Mise à part la vitre qui nous séparait, les musiciens étaient tout de même à deux pieds de nous. Et ils nous regardaien­t droit dans les yeux en jouant. Voilà une proximité intimidant­e à laquelle nous ne sommes pas du tout habitués.

Pendant quatre minutes, j’ai réalisé à quel point les concerts, et les rassemblem­ents me manquent. Je me suis mis à songer à cette journée mémorable du 16 juin 2018, un mariage magique en ce lieu même, accompagné de près d’une centaine de personnes. L’émotion m’a envahi, nous a envahis. Et quelques instants plus tard, on s’est retrouvés dans une ruelle vide, au gros soleil, à se demander ce qu’on venait de vivre. Le clash était grand.

Après deux mois et demi de confinemen­t, je n’aurais jamais pensé qu’une petite prestation intime d’une seule chanson allait m’ébranler autant. Comme quoi les arts vivants n’ont pas leur pareil pour créer des moments uniques qui nous habiteront longtemps.

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PHOTO AGENCE QMI, MAXIME DELAND Le groupe montréalai­s Dear Criminals a eu l’idée de faire des mini-prestation­s pour des publics d’une à deux personnes.
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