Une surprise, ces émeutes ?
On pouvait certainement la voir venir cette tempête qui déferle sur les États-unis. Le racisme, les inégalités économiques, les injustices accentuées par la pandémie : rien de neuf ni de sensationnel. Les planètes étaient tout simplement alignées pour une « perfect strom ».
Commençons par la fin, l’indignation qu’inspire l’arrestation de George Floyd. La force brute employée par le policier Derek Chauvin ; son regard indifférent face aux passants outrés ; l’impuissance, la souffrance, puis la mort de George Floyd. Nul besoin de crouler sous 400 ans d’injustice pour être révolté par ces images.
Cela dit, ces siècles d’injustice continuent d’accompagner le quotidien des Afro-américains beaucoup plus que la population banche en a conscience. Que ce soit l’emploi ou l’accès à la propriété, à des soins de santé ou à une éducation de qualité, les inégalités se répètent d’année en année. C’est ce que disent les Noirs quand ils affirment, à 84 %, que l’héritage de l’esclavage continue d’affecter la position de leur communauté dans la société américaine.
LE VIRUS DE L’INJUSTICE
La pandémie, comme une claque en plein visage, est venue amplifier cette réalité. Selon une étude du Washington Post, les comtés majoritairement noirs des États-unis ont enregistré un taux d’infection trois fois plus élevé et un taux de mortalité près de six fois plus élevé que les comtés à majorité blanche. Une cause majeure : l’état de santé des Afro-américains qui souffrent davantage d’hypertension, de diabète, de maladies cardiaques et pulmonaires, tous sinistres compagnons de la COVID-19.
Le monde de l’emploi est un couteau à double tranchant sur lequel la communauté noire se blesse… doublement. De manière persistante, d’une décennie à l’autre, le taux de chômage des Afro-américains correspond au double de la moyenne nationale. En 2019, par exemple, ce taux était de 3,1 % chez Blancs contre 6,7 % chez les Noirs.
Le coronavirus n’a fait qu’accentuer le mal. Sur le plan sanitaire, plus de Noirs ont été contaminés, parce qu’ils occupent davantage d’emplois jugés « essentiels » – préposés aux bénéficiaires, chauffeurs d’autobus, gardiens de sécurité – ne permettant pas le télétravail de chez soi.
UNE MISÈRE À LONG TERME
On discerne déjà des ravages sur le plan économique qui se prolongeront bien au-delà de la pandémie.
Seize pour cent des travailleurs
Noirs (contre 11 % chez les Blancs) ont perdu leur emploi à cause de la crise. Plus troublant encore, 45 % des propriétaires noirs et latinos de petites entreprises s’attendent à fermer leurs portes dans les six mois.
D’ailleurs, ce sondage du Global Strategy Group nous apprend que
51 % de ces propriétaires de PME ont sollicité de l’aide du programme fédéral pour moins de… 20 000 dollars. Des peanuts ! Seulement 12 % déclarent avoir reçu la totalité du montant demandé.
Prenez des générations d’inégalité, ajoutez-y un virus qui affecte davantage votre communauté – tant dans les vies que les emplois perdus – et regardez autour de vous – la ségrégation résidentielle, les quartiers urbains surpeuplés, les toujours plus rares épiceries et hôpitaux – et vous finirez probablement, vous aussi, par ressentir ce ras-le-bol qui a fini par exploser cette semaine à travers les États-unis.