Québec fait une exception pour Sophie Brochu
Payée 215 000 $ par BMO, elle est la seule PDG de sociétés d’état à être rémunérée par une autre entreprise
À la tête d’hydro-québec, Sophie Brochu est la seule et unique PDG de société d’état québécoise à être encore payée par une autre entreprise, a constaté Le Journal.
La province compte 56 sociétés d’état, comme Loto-québec, la Société des alcools ou la Commission de la construction.
Du lot, pas un seul premier dirigeant, à l’exception de la nouvelle présidente-directrice générale d’hydro-québec, n’occupe de fonction rémunérée au sein du conseil d’administration d’une autre entreprise, révèlent nos recherches.
À sa nomination en avril, Mme Brochu a démissionné des CA de Bell et de CGI. Mais l’ex-pdg d’énergir conserve son titre d’administratrice de la Banque de Montréal, et la rémunération de 215 000 $ qui l’accompagne.
« Cette situation est peu fréquente, mais il est très clair qu’il n’y a aucun conflit d’intérêts en lien avec la participation de Sophie Brochu au CA de BMO », a affirmé un porte-parole d’hydro-québec.
Ce 215 000 $ s’ajoute à son salaire de base de 580 000 $ à Hydro-québec, et à un boni de performance pouvant atteindre 290 000 $ par an. La rémunération de Mme Brochu, identique à celle de son prédécesseur Éric Martel, sera révisée tous les ans par le conseil d’hydro-québec.
SUBSTANTIEL
« On parle ici d’une rémunération substantielle chez BMO, surtout par rapport à sa rémunération à Hydro », observe le professeur et titulaire de la Chaire de gouvernance d’entreprise S.A. Jarislowsky, Michel Magnan.
« Ce n’est pas nécessairement mauvais que Mme Brochu siège à la Banque de Montréal, mais ça peut soulever des questions. Est-ce qu’elle va passer 100 % de son temps et de son énergie sur [Hydro-québec] ? », poursuit-il.
À titre comparatif, de la soixantaine d’autres premiers dirigeants de sociétés d’état, seuls trois siègent sur des conseils d’entreprise, tous à titre bénévole.
C’est le cas du PDG de Revenu Québec, Carl Gauthier, administrateur depuis 2016 à La Capitale Assurance et services financiers.
« Il a renoncé dès le début à toute rémunération », précise le porte-parole de Revenu Québec, Martin Croteau. « M. Gauthier respecte toutes les règles régissant l’éthique et les conflits d’intérêts. Il siège en toute indépendance. »
Une poignée d’autres PDG sont impliqués dans des organismes à but non lucratif. Ceuxci n’ont toutefois aucun lien avec l’entité qu’ils dirigent. Et ils ne sont pas payés.
Seule autre exception : le PDG de l’office Québec-monde pour la jeunesse, Jean-stéphane Bernard, perçoit des jetons de présence de 300 $ par rencontre à titre de membre du CA de la caisse populaire Desjardins de Sillery.
NÉGOCIATIONS
Aux yeux de M. Magnan, il est évident que le maintien de Mme Brochu à BMO a fait l’objet de négociations entre la gestionnaire et le gouvernement Legault avant son entrée en poste.
« Le gouvernement a mis de l’eau dans son vin parce qu’il voulait Mme Brochu, une dirigeante reconnue. Il semble plausible que cela soit la solution de compromis à laquelle ils sont arrivés », dit-il.
Les liens d’affaires avec Hydro-québec sont mineurs, note M. Magnan, mais ils sont bien présents. Ainsi, BMO fait fort probablement partie des syndicats financiers avec lesquels traite Hydro-québec pour ses émissions de dette, rappelle l’expert de l’université Concordia.
Au bureau du premier ministre François Legault, on soutient que « rien ne permet de conclure que Mme Brochu se trouve en conflit d’intérêts ». « C’est une femme brillante, compétente et visionnaire, qui a une connaissance fine du secteur énergétique et qui a su démontrer ses qualités d’administratrice », a soutenu Ewan Sauves.
En entrevue à Radio-canada récemment, Mme Brochu a pour sa part soutenu qu’il est bénéfique pour Hydro d’avoir une dirigeante au fait du secteur financier.