Le Journal de Quebec

Une job de fou

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Claude Julien affichait un éclatant bronzage lorsqu’il a repris le boulot il y a un mois. Deux ou trois semaines plus tard, il avait retrouvé son teint de la saison de hockey. Hier, son corps lui a servi un avertissem­ent disant : « Modère tes transports, l’ami ! »

On vit dans un monde stressé et stressant, peu importe notre type de travail. C’est encore pire depuis qu’un virus que la science a appelé COVID-19 a pris nos vies en otage. Des travailleu­rs et des travailleu­ses perdent leur situation. C’est alarmant !

Julien gagne sa vie dans le sport-spectacle. Mais pour lui comme tout autre entraîneur, la notion du divertisse­ment n’existe pas.

Il n’a pas de problème d’argent, mais cela ne l’empêche pas de se donner à fond pour son travail.

VIVRE POUR LA VICTOIRE

La nouvelle de son hospitalis­ation ne laisse personne insensible.

Michel Bergeron jouait au golf quand je le lui ai téléphoné en milieu d’après-midi, hier. Il m’a appelé de sa voiture autour de 16 h 30, alors qu’il retournait chez lui.

Lorsque je lui ai demandé s’il avait disputé une ronde à son goût, le golf était devenu bien secondaire.

« Je suis un peu sous le choc », a-t-il répondu en pensant à Julien.

La bonne nouvelle est que Julien n’a pas subi de crise cardiaque. Mais il doit être songeur. Il s’interroge sans doute sur la suite des choses.

« Quand tu gagnes dans les rangs juniors ou dans les ligues mineures, c’est ce qui te permet d’atteindre la Ligue nationale », a continué Bergeron.

« Rendu là, tu ne penses qu’à une chose et c’est gagner. Ça devient ta raison de vivre. Claude est entraîneur dans la Ligue nationale depuis 18 ans. Il a gagné une coupe Stanley, tout en étant congédié trois fois.

« Heureuseme­nt, les entraîneur­s sont mieux payés aujourd’hui que dans mon temps. »

UN PREMIER ÉPISODE À QUÉBEC

Les coachs sont des passionnés. Leur métier les absorbe tellement qu’ils passent par-dessus des choses de la vie quotidienn­e et qu’ils négligent souvent leur bien-être.

Bergeron a subi un premier épisode de santé lorsqu’il dirigeait les Nordiques. Il avait été admis à l’hôpital pour des problèmes de vision. Il voyait double.

Les médecins lui ont dit qu’il était possible qu’il soit atteint de la sclérose en plaques. Ce n’était pas le cas, mais le doute a subsisté un certain temps.

« Ce n’est pas dans mon livre et je ne l’avais jamais dit avant ce jour, de continuer Bergeron au bout du fil.

« Mais je pense que Marcel Aubut et Maurice Filion étaient sous cette impression quand ils m’avaient échangé aux Rangers. »

Après deux saisons à New York, Bergeron est retourné diriger les Nordiques pour une saison.

Quelques mois plus tard, alors qu’il s’était recyclé commentate­ur à la télévision et à la radio, il subissait un premier infarctus. Il n’avait que 44 ans. C’était héréditair­e.

Son père, lui, n’avait pas eu une deuxième chance. Il avait été foudroyé le jour de son 46e anniversai­re de naissance.

AU TOUR DE DEMERS

Deux ans après son attaque, soit en 1992, Bergeron se retrouva en compétitio­n avec Jacques Demers pour succéder à Pat Burns à la barre du Canadien.

Serge Savard écarta Bergeron en invoquant ses antécédent­s de santé comme raison. L’affaire fit tout un boucan.

Or, en mars 1993, Demers était transporté d’urgence à l’hôpital général de Montréal, alors qu’il fut saisi de douleurs à la poitrine dans son bureau du Forum. Jacques Lemaire l’avait remplacé pour deux matchs.

J’avais rappelé au début de mon texte publié le lendemain la raison que Jacques avait donnée à son épouse Debbie pour avoir accepté l’offre du Canadien, neuf mois plus tôt.

« Chérie, le Canadien, c’est plus gros que la vie », lui avait-il expliqué.

Trois mois après sa mésaventur­e, il menait le Tricolore à sa plus récente conquête de la coupe Stanley, à ce jour. Son job avec le Canadien devait être son dernier dans la LNH, avait-il confié à une ancienne journalist­e du Jour

nal, Michelle Coudée-lord.

Deux ans après son congédieme­nt par le Canadien, il se retrouvait derrière le banc du Lightning de Tampa Bay.

« On est fous, les entraîneur­s ! » de me lancer Bergeron au téléphone.

« Un jour, j’ai raconté à ma femme, alors que j’étais à l’emploi de TVA [dans les années 1990], que j’avais rêvé que Bobby Clarke, avec qui j’avais une bonne relation, m’avait offert de diriger les Flyers.

« Elle m’avait répondu : “Va donc sortir les vidanges !”

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Claude Julien était bronzé et détendu quand il a repris le travail le mois dernier.

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