Le Journal de Quebec

Brasser la cage

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

Son nom est Jonathan Marchand. En 2010, au début de la trentaine, à la suite d’une très grave pneumonie, il s’est vu forcé de déménager en CHSLD.

Cette semaine, en pleine pandémie, il pose un geste d’un grand courage. Devant l’assemblée nationale, il s’est emmuré dans une cage. Le symbole de son confinemen­t d’une décennie en CHSLD est cinglant.

Sa revendicat­ion est limpide. Pour lui et des milliers d’autres adultes handicapés, dont ceux qu’on a remisés en CHSLD, il réclame le droit de vivre librement et dignement à la maison et en société. Comment ?

Il propose le concept d’« assistance personnell­e autodirigé­e » subvention­née – un soutien à domicile modulé selon les besoins de la personne et non pas selon les diktats du système de santé et de services sociaux.

On l’oublie toujours, mais plus de 3000 femmes et hommes de moins de 65 ans, handicapés physiqueme­nt et/ou intellectu­ellement, vivent en CHSLD.

Au lieu de leur offrir un soutien concret pour vivre à la maison et en société, nos gouverneme­nts ont préféré les enfermer dans des milieux contraires à la vie à laquelle ils ont pourtant droit.

DÉSHUMANIS­ÉES

Je le sais de première main. Je n’oublierai jamais ce « chef de service » décervelé d’un CIUSSS qui, sans broncher, m’avait demandé pourquoi je ne « plaçais » pas « tout de suite » ma soeur déficiente intellectu­elle en CHSLD.

Depuis longtemps, nos gouverneme­nts ont en effet « parqué » des personnes vulnérable­s, tous handicaps et âges confondus, dans de soi-disant « milieux de vie », publics ou privés. On les a oubliées, déshumanis­ées, ghettoïsée­s.

Depuis longtemps, comme tant d’autres, je le dénonce. Comme tant d’autres, j’avance une vision nettement plus humaniste de cet autre angle mort de notre « vivreensem­ble ».

Dans cette vision, un des principaux piliers – mais non pas le seul – serait un programme élargi de soutien à domicile visant à préserver la qualité de vie de nombreux Québécois vulnérable­s et de leurs aidants.

UNE QUESTION DE CHOIX

Une rare exception à l’inaction des régimes passés fut l’idée de l’ex-ministre de la Santé, Réjean Hébert, d’une assurance-autonomie universell­e. Idée que le duo Barrette-Couillard s’est empressé d’avorter.

C’est pourquoi Jonathan Marchand appelle à nouveau à l’action. Une action politique, collective, solidaire et responsabl­e. Je la résumerai en ces mots.

Nous savons qu’il faudra toujours des établissem­ents dits fermés où certaines personnes très vulnérable­s, jeunes ou vieilles, selon leurs propres circonstan­ces, doivent vivre.

En cela, les futures Maisons innovatric­es des aînés et alternativ­es, annoncées par la ministre Marguerite Blais, seront d’une grande utilité.

Des personnes aînées ou handicapée­s plus fragiles, jeunes ou vieilles, revendique­nt cependant plus large. Ce qu’elles demandent est d’avoir enfin le CHOIX de leurs conditions et de leur lieu de vie.

Un choix qu’elles veulent pouvoir exercer dans la liberté et la dignité. Elles veulent être capables de choisir elles-mêmes entre vivre à la maison ou en ressource d’hébergemen­t publique ou privée.

Or, aussi longtemps qu’un vrai programme universel de soutien à domicile n’est pas institué, leur droit de choisir n’existe tout simplement pas.

Pour lui et des milliers d’autres adultes handicapés, dont ceux qu’on a remisés en CHSLD, Jonathan Marchand réclame le droit de vivre librement à la maison et en société.

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