Anormal, incompréhensible et inexplicable
En temps normal, le débat coïncide avec notre fête nationale. Cette année, pandémie oblige, la séance de repêchage de la LNH a eu lieu au moment où les outardes migrent vers le sud. Plusieurs espoirs québécois ont pris la même direction.
Hendrix Lapierre est parti pour Washington, Mavrik Bourque et Rémi Poirier pour Dallas, Lukas Cormier pour Las Vegas, Elliot Desnoyers pour Philadelphie, William Dufour pour
New York (Islanders) et Louis Crevier pour Chicago.
Trois autres jeunes de chez nous ont été sélectionnés par des équipes canadiennes, soit Jérôme Poirier, par Calgary, William Villeneuve, par Toronto, et Philippe Daoust, par Ottawa.
Le Canadien n’en a choisi aucun. Aucun comme dans zéro.
Une fois de plus et de trop.
C’est la troisième fois au cours des cinq dernières années que le Tricolore ne repêche aucun Québécois.
Le comble est que les Blackhawks de Chicago ont utilisé le choix de septième ronde qu’ils venaient d’acquérir du Canadien pour réclamer Crevier.
MAUVAISE RÉPONSE, TREVOR
Quel message cela envoie-t-il aux joueurs québécois ?
Trevor Timmins a avalé de travers lorsque Simon-olivier Lorange, de
La Presse, lui a posé la question lors de son point de presse, à la fin du repêchage, mercredi soir.
« Nous ne voulons pas envoyer de messages. Nous suivons nos listes », a-t-il répondu en substance.
Timmins a toutefois pris le mors aux dents quand le journaliste lui a demandé si des joueurs québécois figuraient dans cette liste.
« What kind of question is that ? Je ne répondrai pas à ça », lui a-t-il lancé.
« Mais, oui, il y avait plusieurs joueurs sur notre liste », a-t-il fini par répondre un peu plus tard.
Très mauvais choix de réponse, Trevor !
Qu’est-ce qui t’a pris ?
Ce n’est rien pour redorer ton image auprès de ceux qui te disent francophobe. Mais tu ne dois pas l’être puisque ta conjointe est francophone.
En quoi la question pouvait-elle lui déplaire ?
COMME SI LA LHJMQ N’EXISTAIT PAS
Est-ce normal que le Canadien n’ait choisi aucun joueur de la Ligue de hockey junior majeur du Québec au cours des quatre premières rondes depuis quatre ans ? tel que le rapporte Stéphane Leroux, de RDS.
Je répète, aucun joueur de la LHJMQ. Pas seulement des Québécois, mais des Russes, des Tchèques ou tout autre joueur d’origine européenne qui viennent faire leur stage junior au Québec.
Ça devrait en boucher un coin à ceux qui disent qu’ils se fichent de la nationalité et de la couleur des joueurs que le Canadien repêche « en autant qu’on gagne »!
Ça fait 27 ans qu’on attend.
RIEN À ENVIER À L’ONTARIO ET L’OUEST
On dit que le repêchage n’est pas une science exacte, mais ça semble l’être pour les hommes de hockey du Canadien en ce qui concerne la
LHJMQ.
Pourtant, le circuit québécois n’a rien à envier aux ligues de l’ontario et de l’ouest au chapitre des conquêtes de la coupe Memorial dans ce siècle. Il en revendique sept, dont les deux dernières, par le Titan d’acadie-bathurst et les Huskies de Rouyn-noranda.
L’ontario en compte sept, lui aussi, et les équipes de l’ouest, six.
Que reproche-t-on aux joueurs québécois et de la LHJMQ ?
Julien Brisebois, directeur général du Lightning de Tampa Bay, qui vient de remporter la coupe Stanley, et son recruteur québécois Michel Boucher, qui a travaillé lui aussi pour le Tricolore, ne voient pas de problème.
POURQUOI PAS LAPIERRE ?
La semaine dernière, Timmins s’est rendu à Chicoutimi en compagnie de ses recruteurs Donald Audette et Serge Boisvert pour assister au match d’ouverture des Saguenéens, qui recevaient les Cataractes de Shawinigan.
Les trois premiers joueurs de la LHJMQ cotés au repêchage de la LNH jouaient sous leurs yeux, soit Dawson Mercer et Hendrix Lapierre du côté des Sags, et Mavrik Bourque, chez les Cataractes.
Remis d’une sérieuse blessure au cou qui l’a tenu à l’écart du jeu pendant la majeure partie de la saison dernière, Lapierre a célébré son retour avec une performance de deux buts et deux mentions d’aide dans une victoire de
5 à 2 des Saguenéens. Mercer a marqué deux fois aussi pour les vainqueurs tandis que Bourque a contribué à un but des Cataractes.
Non, un match ne fait pas une carrière. Mais dans le cas de Lapierre, ce match avait une grande importance après ce qu’il avait traversé. Or, il s’en trouve pour dire qu’il est fragile. Arrêtons ça tout de suite !
Le hockey n’est pas un sport de salon. Tous les joueurs sont sujets aux blessures.
TROUVER L’ÉQUILIBRE
Non, il ne faut pas vivre dans le passé, mais les décideurs du Canadien peuvent sûrement trouver un équilibre dans le recrutement des joueurs.
S’il y a un avantage à repêcher des joueurs américains et européens parce qu’on peut suivre leur développement pendant quatre ans, qu’on change le règlement pour les joueurs de la Ligue canadienne. Que l’on prolonge la période de grâce de deux à trois ans.
Ou encore que les joueurs de
18 ans ne soient admissibles que pour la première ronde. Repêcher un jeune à cet âge — on n’inclut pas les exceptionnels là-dedans — en tentant de projeter quelle sorte de joueur il deviendra dans la vingtaine relève de l’utopie.
Les penseurs du Canadien sont maîtres de leurs décisions et chèrement payés pour faire le travail. Ils ont joué le livre en sélectionnant Kaiden Guhle au 16e rang.
Mais il faut parfois faire montre d’audace. Bergevin et Timmins l’ont fait quand ils ont repêché Jesperi Kotkaniemi troisième il y a deux ans.
Qu’on arrête de dire aussi que les amateurs victimisent les joueurs québécois. Ils ne demandent qu’à en avoir plus et qu’à les aimer. Comme ils ont apprécié Andrei Markov, Tomas Plekanec, Saku Koivu, Jaroslav Halak, P.K. Subban, qu’ils aiment Carey Price, Shea Weber, Brendan Gallagher, Nick Suzuki et KK aujourd’hui.
À la fin, le Canadien demeure une institution qui évolue dans un marché particulier. Je cite Serge Savard : « Le peuple québécois va te laisser gagner en anglais, mais il ne te laissera pas perdre en anglais. »
Y’a-t-il quelqu’un qui le comprend au Centre Bell ?