Le Journal de Quebec

Il faut sauver le soldat Arruda

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Il a été la révélation du printemps dernier. Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, est devenu la coqueluche des médias.

La population, inquiète devant un virus inconnu et mortel, a adopté ce docteur au tempéramen­t bouillant. Son talent pour théâtralis­er ses propos avec des gestes devenus viraux, comme ses deux mains aplatissan­t la COVID-19, a fait fureur.

Le premier ministre Legault a été séduit par son directeur de santé publique. Mais après quelques semaines, mine de rien, le Dr Arruda, un scientifiq­ue, ne l’oublions pas, est devenu, comment dire, prisonnier de son personnage. Cela a affaibli progressiv­ement la force de ses interventi­ons médicales.

POLÉMIQUE

Par exemple, il est devenu un adversaire acharné du masque. Sa volonté de nous en convaincre altérait son devoir de réserve en tant que scientifiq­ue, car il a glissé doucement vers la polémique. D’ailleurs, pendant l’angélus télévisé de midi suivi par plus d’un million de citoyens obéissants et confinés chez eux, les questions des journalist­es étaient davantage dirigées vers le docteur que vers le premier ministre. D’ailleurs, dans le cas contraire, le Dr Arruda semblait se demander ce qu’il faisait là.

La notoriété fait tourner la tête. Surtout lorsque la personne ne l’a pas choisie. On ne devient pas médecin pour avoir des fans, comme c’est le cas pour les vedettes du showbiz.

Le Dr Arruda a été emporté par une vague non pas pandémique, mais médiatique.

C’était sans doute une erreur de la part du premier ministre de se faire accompagne­r systématiq­uement par le bon docteur lors des points de presse.

On a pu ainsi assister à des échanges quelque peu tendus entre eux. Sans doute François Legault a-t-il été secoué, comme tous les Québécois, par une situation inimaginab­le, sauf pour des épidémiolo­gistes, qui y consacrent leur vie. À l’évidence, monsieur Legault avait besoin d’horacio Arruda à ses côtés.

DÉSTABILIS­É

La deuxième vague révèle un directeur de santé publique irritable, nerveux, qui peine parfois à transmettr­e clairement son message.

« Au début, c’était facile de confiner les gens, car ils écoutaient », a-t-il déclaré jeudi aux journalist­es, selon Le Devoir. Mais le Dr Arruda ne peut s’empêcher de parler des courriels injurieux qu’il reçoit en plus des menaces de mort.

Le directeur semble perturbé actuelleme­nt alors qu’il devrait être rassurant et en distance personnell­e des informatio­ns qu’il transmet. Or, il insiste pour préciser qu’en cas de divergence entre lui et le gouverneme­nt, il n’hésiterait pas à partir. Cela inquiète les gens. « Je peux vous dire que le jour où il sentira que c’est de la bullshit, le directeur

Le Dr Arruda a besoin de repos.

Arruda, il ne sera plus là. Parce que le Dr Arruda, il n’a pas sa crédibilit­é à perdre », a-t-il lancé devant la presse. Lorsqu’on parle de soi à la troisième personne, on a un problème, non ?

Le Québec doit beaucoup au Dr Arruda. Il a été un conseiller précieux pour monsieur Legault. Mais celui-ci devrait lui suggérer de se retirer momentaném­ent. La situation actuelle est si inquiétant­e, elle déstabilis­e tant de citoyens que François Legault, lui-même exténué, a besoin d’être conseillé par des scientifiq­ues à la tête froide. Le Dr Arruda ne peut pas être au coeur de la tourmente actuelle. On se doit de le protéger.

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