Legault goûte à la lune de fiel
La première vague de pandémie a prolongé la lune de miel de la population avec le gouvernement caquiste, mais la deuxième fait découvrir à François Legault un autre versant de la montagne.
Visiblement, le premier ministre a perdu l’habitude des critiques. Et elles se sont intensifiées.
D’ordinaire, il badine durant la période de questions au Salon bleu, prenant plaisir à la joute parlementaire.
Mais jeudi, il est arrivé en chambre l’air grave, après avoir désavoué sa ministre responsable des Affaires autochtones.
Sous pression depuis le décès de Joyce Echaquan et les maladresses de Sylvie D’amours, le premier ministre savait qu’il allait dégommer la ministre.
Congédier une proche des premières heures de la CAQ a dû néanmoins s’avérer une tâche difficile.
Dominique Anglade, sans hausser le ton, avait martelé depuis le début de la semaine que « le temps des excuses » était terminé. Que le gouvernement caquiste n’était pas prêt pour la seconde vague, pourtant prévisible.
Courroucé, le chef caquiste a répliqué que l’opposition ne faisait que « du chialage ».
LE BOUCHON DE PRESSION A SAUTÉ
Jeudi, son bouchon de pression a sauté alors que Manon Massé lui a reproché de ne plus écouter et de faire preuve d’arrogance.
Le PM a craqué, accusant QS d’oser « faire peur aux Québécois » en raison de ses réserves sur l’application Alerte COVID.
En le voyant lancer son téléphone sur son bureau et gesticuler à l’endroit des solidaires, on sentait que les critiques des derniers jours, depuis le passage des zones urbaines en rouge, l’avaient atteint.
Le premier ministre devrait profiter de la fin de semaine pour revoir l’étanchéité de sa carapace.
Selon les derniers sondages, M. Legault domine encore outrageusement les concours de popularité de la classe politique. Peut-être s’est-il habitué à marcher sur les eaux ?
ARRUDA AUSSI
Comme lui, mais d’une autre façon, le directeur de santé publique a aussi laissé transparaître un trop-plein jeudi.
Appelé à commenter les critiques sur sa gestion de la pandémie, le docteur, homme sensible, a dit qu’il ne se considérait pas comme « un deux de pique ».
Il a tenu à défendre son indépendance en soutenant qu’il tirerait sa révérence si le gouvernement faisait « de la bullshit ».
Son style coloré a fait mouche au printemps au moment où les Québécois avaient besoin d’être rassurés dans une période sombre.
Maintenant, sa propension à se transformer en moulin à paroles le rend difficile à suivre dans un contexte où les nuances de reconfinement laissent place à interprétation.
Il n’y aurait pas de honte à avoir recours plus souvent à son bras droit, Richard Massé, plus succinct, pour des points de presse, ne serait-ce que pour lui permettre de souffler. Tout le monde est humain.
LAFRENIÈRE À LA RESCOUSSE
En nommant Ian Lafrenière aux Affaires autochtones, François Legault s’est assuré de diminuer la pression dans ce dossier au moins pendant un moment, le temps que le nouveau ministre rencontre les représentants des 11 nations.
Le choix de l’ancien porte-parole de la police de Montréal pour succéder à la mal-aimée D’amours n’est pas une surprise.
Lafrenière s’était fait garantir qu’il accéderait au conseil des ministres un jour ou l’autre. Il faudra lui donner les coudées franches pour qu’il obtienne des résultats.
François Legault peut réalistement espérer des améliorations sur ce front.
Mais pour la pandémie, la deuxième vague soufflera probablement encore un bon moment.
Et inévitablement, l’exaspération qui gagne la population ne peut qu’effriter le vernis doré du gouvernement. M. Legault doit se faire à l’idée.