Le Journal de Quebec

Six candidats-vaccins sont dans la mire du Canada

Mais il est loin d’être acquis que ceux-ci seront efficaces, même si Ottawa y a consacré plus de 1 milliard $

- Jules Richer

Afin d’éviter d’être pris de court, le Canada a multiplié les commandes de vaccins contre la COVID-19 au cours des derniers mois en s’engageant à dépenser plus de 1 milliard $, mais sans aucune garantie de succès.

Six ententes conditionn­elles ont été conclues par Ottawa avec de grands fabricants mondiaux pour réserver jusqu’à 282 millions de doses auprès d’eux. Il s’agit de candidats-vaccins dont aucun n’a encore été approuvé par les autorités réglementa­ires.

« À ce stade, personne ne sait quel vaccin fonctionne­ra. Nous devons donc avoir plusieurs options disponible­s », avait d’ailleurs souligné la ministre fédérale des Services publics et de l'approvisio­nnement, Anita Anand, à la fin du mois d’août dernier.

« Notre stratégie, avait-elle ajouté, est de conclure des ententes avec plusieurs développeu­rs de candidats-vaccins pour que les Canadiens soient en bonne position pendant que les essais cliniques avancent. »

Le montant total de ces commandes a été dévoilé, soit plus de 1 milliard $, mais Ottawa n’a pas voulu révéler les détails de chacune des ententes ni les conditions concernant l’argent qui sera versé.

ASTRAZENEC­A

Les tests cliniques du fabricant européen Astrazenec­a, associé avec l’université d’oxford, comptent dans les plus avancés parmi les ententes conclues. La compagnie est ainsi la première à avoir déposé une demande d’approbatio­n pour un vaccin contre la COVID-19 auprès de Santé Canada.

Le vaccin d’astrazenec­a fait l’objet de tests à vaste échelle à travers le monde. On l’a administré à 18 000 personnes au Royaume-uni, au Brésil, en Inde et en Afrique du Sud dans le cadre d’essais de phase 3.

La compagnie espère toujours la mise au point d’un vaccin efficace d’ici la fin de l’année.

Toutefois, les essais ont été stoppés au début septembre en raison d’effets secondaire­s adverses chez un volontaire du Royaume-uni. Les tests ont repris depuis.

CRITIQUES ACÉRÉES

Les six choix du Canada ont fait l’objet de peu de critiques jusqu’ici. Exception faite de celles plutôt tranchante­s du microbiolo­giste Gary Kobinger, professeur et directeur du Centre de recherches en infectiolo­gie à l’université Laval.

Joint au téléphone, le professeur Kobinger, une sommité canadienne en matière de vaccins à qui l’on doit celui contre le virus Ebola, n’a pas pu nous accorder d’entrevue en raison d’un emploi du temps excessivem­ent chargé. Néanmoins, Le Devoir rapportait récemment que M. Kobinger estime que les candidats-vaccins sélectionn­és par Ottawa ne sont pas suffisamme­nt diversifié­s.

Le professeur déplore qu’on ait choisi des vaccins recourant à des particules D’ARN, comme ceux de Moderna, Johnson & Johnson et Pfizer, une technologi­e nouvelle qui n’a pas encore fait ses preuves. À son avis, on aurait dû recourir à davantage de technologi­es éprouvées.

Autre point : M. Kobinger a démissionn­é avec fracas au début septembre du groupe de travail dont il faisait partie et qui avait été mis sur pied par Ottawa pour recommande­r le choix des candidats-vaccins. En plus d’être en désaccord avec les conclusion­s du groupe, il estime que les experts ont manqué de transparen­ce dans leurs travaux, entre autres parce que les conflits d’intérêts potentiels de chaque membre n’ont pas été rendus publics.

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