Extrait du livre La crise d’octobre. 50 ans après
« Qui a tué Laporte ? Cette question revient sans cesse, même 50 ans après les faits. Au fil des années, différentes théories ont été avancées à propos de sa mort. Est-ce que des membres du FLQ l’ont vraiment assassiné ? Était-ce simplement un accident ? Le gouvernement fédéral l’a-t-il laissé volontairement mourir ? Le FLQ a-t-il été piloté à son insu par le gouvernement pour créer une situation justifiant le recours aux mesures d’exception ? Évidemment, dans ce genre de théories, on mélange des faits avec des suppositions, ce qui, au bout du compte, ne sert qu’à entretenir la confusion. On a le droit de se questionner sur cet aspect, mais si ça monopolise le débat, on en vient à tourner en rond à l’infini et on passe à côté de l’essentiel. D’abord, les auteurs de ces théories ne se trouvaient pas rue Armstrong, personne ne saura jamais ce qui s’y est réellement passé. Ça restera de vaines spéculations. Ensuite, la cellule Chénier a assumé collectivement la responsabilité de la mort de Laporte. Ça, c’est un fait. Ce qui m’apparaît plus intéressant à analyser, c’est la réponse du gouvernement lors de la crise d’octobre : son rôle dans la répression, son niveau de préparation stratégique et militaire dans l’année qui précède, dans la décennie qui précède, les mensonges utilisés pour tenter de justifier le recours à la Loi sur les mesures
de guerre.
L’autre chose réellement fascinante, c’est l’histoire du FLQ, de sa création jusqu’à Octobre 70, et après. En s’y attardant, on découvre des événements et des personnages auxquels on ne prête jamais assez attention. On se rend compte que tout le Québec des années 1970 a vécu la crise d’octobre, de près ou de loin.
Notre ouvrage est une nouvelle occasion de se rappeler que la crise d’octobre n’est pas sortie de nulle part. Qu’il y a eu un avant, et aussi un après, que les Pea Soups vivaient une situation d’infériorité et d’humiliation qui perdurait, que le monde entier était en plein bouleversement, et que des liens se sont tissés entre le Québec et d’autres peuples en lutte ailleurs dans le monde. Comme un rappel, ce livre se veut un point de départ plutôt qu’un point final. Comment saisir les événements d’octobre 70 sans s’intéresser au RIN, aux conflits ouvriers, à l’indépendance de l’algérie, à la Révolution cubaine, au combat des Noirs américains, aux différentes vagues du FLQ, aux Tupamaros, au Vietnam ? On doit aller plus loin. On doit lire plus, collectivement. »