Le piège systémique
La notion de racisme systémique a été inscrite dans des jugements des tribunaux. Elle a donc un fondement qui en apparence donnerait au gouvernement Legault une assise simple pour adopter le concept. Ça, c’est purement en théorie.
Dans la réalité politique, la notion de racisme systémique a acquis une charge politique qui dépasse très largement l’intention des juristes qui l’ont mise au monde. Dans le cours des débats politiques, l’expression est devenue le fer de lance de la gauche multiculturaliste pour tiédir toutes les tentatives de défendre la notion d’identité.
Le Québec demeure une minorité culturelle, dans son pays et sur son continent. Je répète cette vérité simple, parce qu’on l’oublie vite lorsque certains présentent le Québec comme une majorité opprimante.
LANGUE ET LAÏCITÉ
Accepter la notion de racisme systémique aujourd’hui signifierait un changement complet de paradigme en matière d’identité. Dans les mois qui suivraient, le gouvernement serait attaqué sous prétexte que la loi 21 en matière de laïcité est incompatible avec une société qui dit combattre le racisme systémique.
Et puis ce sera la politique linguistique. Imposer une langue aux nouveaux arrivants, leur restreindre le droit d’aller à l’école de leur choix, ne s’agit-il pas de gestes systémiques par lesquels la majorité impose sa volonté ? Toute l’approche du Québec pour protéger sa langue serait fragilisée.
Au lendemain d’un décès inacceptable survenu dans un hôpital public dans un contexte odieux de racisme, une pression énorme s’exerce sur le gouvernement. Le rôle du premier ministre consiste à montrer de l’empathie, de l’écoute, et une ferme volonté d’agir pour changer les choses. Mais il ne peut pas échapper le gouvernail de ses orientations politiques.
On comprend que ces derniers jours, certains ministres et députés de l’équipe Legault ont été tentés de céder à la pression. Normal. Ils reçoivent les représentations émotives de personnes horrifiées (avec raison) par le décès de Joyce Echaquan. Ils sont aussi ébranlés par le fort vent multiculturaliste qui souffle dans certains médias.
GARDER LE CAP
C’est là qu’intervient le rôle du chef. Voir plus loin. Tenir la barre du gouvernail. Rappeler les objectifs de long terme. Rassurer ses troupes sur son intention sincère de provoquer les changements qui feront reculer le racisme sans céder le terrain à ses opposants. Sans fournir à ses opposants le vilebrequin avec lequel ceux-ci viendraient percer son bateau.
François Legault a nommé un nouveau ministre solide aux Affaires autochtones.
Il a les coudées franches pour provoquer des avancées réelles en matière de racisme envers les Premières Nations. Il pourrait parler de « discrimination systémique » » ou de « racisme en milieu institutionnel ». Il pourrait aussi choisir de laisser tomber les grands concepts et s’en tenir à agir énergiquement en collaboration avec les Premières Nations.
Réflexion finale : puisque plusieurs promoteurs du recours à la notion de racisme systémique sont des admirateurs de l’approche multiculturaliste de Justin Trudeau, ils devraient regarder de ce côté. Rien n’est plus systémique au Canada que les fondements et les effets de la