La dangereuse bulle immobilière
Le marché immobilier résidentiel dans la grande région métropolitaine de Montréal est sur les stéroïdes alors qu’une bulle immobilière se gonfle à vue d’oeil.
Le prix médian d’une maison unifamiliale a explosé de 21 % en 12 mois, pour atteindre en septembre dernier les 430 000 $, soit 76 000 $ de plus qu’en septembre 2019. Pendant ce temps, le prix médian d’une copropriété grimpait de 10 %, passant de 290 000 $ à 318 000 $ (+28 000 $). Et celui d’un plex (2 à 5 logements) atteignait les
610 000 $, lui aussi en hausse de 10 %, soit 53 500 $.
Ces fortes hausses de prix en seulement 12 mois m’apparaissent injustifiées. C’est financièrement illogique de voir ainsi grimper le prix des propriétés résidentielles alors qu’on traverse depuis le début de l’année la pire crise financière de l’histoire à cause de la guerre menée contre la pandémie de COVID-19.
Voyons donc ! Plus de 40 % des secteurs économiques ont été paralysés pendant plusieurs mois. Plein de gens se sont retrouvés sur le carreau, sans job, aux crochets de la Prestation canadienne d’urgence. Nombre d’entreprises ont dû fermer leurs portes ou réduire considérablement leurs activités commerciales.
Beaucoup de ménages ont été forcés de reporter leurs paiements de dette.
Comment peut-on expliquer le phénomène d’une telle bulle immobilière ?
LES HYPOTHÈSES
Comme les acheteurs potentiels avaient retardé leurs achats en raison du confinement du printemps dernier, cela a eu pour effet de générer, semblet-il, une demande refoulée, laquelle aurait largement contribué à la hausse des prix des maisons.
Deuxième hypothèse à l’appui de la flambée actuelle des prix : la baisse des taux hypothécaires à la suite de la diminution marquée du taux directeur de la Banque du Canada. Ce serait, diton, un grand incitatif pour les ménages qui cherchent à acheter une propriété.
Autre argument évoqué : malgré la hausse des prix, les propriétés dans la grande région métropolitaine de Montréal restent encore nettement abordables à comparer aux régions métropolitaines de Vancouver, Victoria, Toronto, Hamilton. Cela laisse croire aux acheteurs potentiels qu’ils bénéficieraient d’une importante marge de manoeuvre avant d’atteindre un pic dans le prix de nos propriétés.
LA RÉALITÉ
Plusieurs embûches se dressent devant la demande immobilière.
Un, on est en pleine deuxième vague de COVID-19, ce qui entraîne la fermeture de plusieurs activités commerciales. On parle même d’une possible troisième vague qui surviendrait l’hiver prochain. Deux, le gouvernement fédéral ne pourra plus se montrer aussi « généreux » envers les éclopés de la COVID-19 (travailleurs et entreprises éclopés) qu’il l’a été jusqu’à la fin de septembre. Même chose pour le gouvernement du Québec.
Trois, l’actuelle crise économique risque de perdurer plus longtemps qu’on le croyait.
Quatre, le ralentissement de l’immigration va automatiquement exercer une pression à la baisse sur le marché de l’habitation, notamment sur l’achat de propriétés. Cinq, le niveau d’endettement des ménages est très élevé.
Six, la SCHL se fait maintenant plus restrictive dans son programme d’assurance des hypothèques contractées par les ménages qui versent moins de 20 % de mise de fonds à l’achat d’une propriété.
MISE EN GARDE DE LA SCHL
S’il y a un organisme gouvernemental qui s’y connaît bien en marché immobilier, c’est bien la SCHL.
Dans son évaluation du marché de l’habitation du troisième trimestre, la SCHL fait le point sur l’effet de la COVID-19 sur ledit marché.
« Nous demeurons préoccupés par la stabilité à long terme du marché de l’habitation. Avec le choc sans précédent provoqué par la COVID-19, nous faisons face à des risques qui n’étaient pas pris en compte auparavant… »
En juin dernier, la SCHL prévoyait une baisse de 9 à 18 % du prix des logements au cours des 12 prochains mois. Voilà pourquoi, elle a resserré ses politiques de souscription des prêts hypothécaires assurés.
En vigueur depuis le 1er juillet, les changements ciblent spécifiquement les emprunteurs à plus haut risque qui offrent une mise de fonds inférieure à 20 %, nécessitant ainsi une telle assurance de la part de la SCHL. En passant, quelque 35 % des prêts hypothécaires consentis par les banques canadiennes sont assurés soit par la SCHL soit par un assureur privé, comme Genworth Canada.
La cote de crédit requise pour contracter un emprunt hypothécaire a été haussée. L’emprunt d’argent en provenance d’autres sources (comme celle d’une marge de crédit) pour effectuer la mise de fonds est dorénavant interdit. La SCHL a également resserré les ratios d’endettement liés à la portion du revenu annuel servant à débourser les versements hypothécaires, les impôts fonciers, les frais de condo et les frais de chauffage.
Le rapport d’amortissement brut de la dette liée à la propriété ne doit pas dépasser 35 % du revenu annuel, à comparer à 39 % auparavant. Le ratio d’amortissement total de la dette (incluant l’intérêt sur les cartes de crédit, les paiements de voiture et autres dettes) est passé de 44 % à 42 %.
Par ces mesures, la SCHL veut éviter que le Canada revive d’importants déséquilibres dans le marché immobilier résidentiel comme ce fut le cas à la fin des années 1980 et en 2008-2009.