Le Journal de Quebec

La dangereuse bulle immobilièr­e

- MICHEL GIRARD c michel.girard @quebecorme­dia.com

Le marché immobilier résidentie­l dans la grande région métropolit­aine de Montréal est sur les stéroïdes alors qu’une bulle immobilièr­e se gonfle à vue d’oeil.

Le prix médian d’une maison unifamilia­le a explosé de 21 % en 12 mois, pour atteindre en septembre dernier les 430 000 $, soit 76 000 $ de plus qu’en septembre 2019. Pendant ce temps, le prix médian d’une copropriét­é grimpait de 10 %, passant de 290 000 $ à 318 000 $ (+28 000 $). Et celui d’un plex (2 à 5 logements) atteignait les

610 000 $, lui aussi en hausse de 10 %, soit 53 500 $.

Ces fortes hausses de prix en seulement 12 mois m’apparaisse­nt injustifié­es. C’est financière­ment illogique de voir ainsi grimper le prix des propriétés résidentie­lles alors qu’on traverse depuis le début de l’année la pire crise financière de l’histoire à cause de la guerre menée contre la pandémie de COVID-19.

Voyons donc ! Plus de 40 % des secteurs économique­s ont été paralysés pendant plusieurs mois. Plein de gens se sont retrouvés sur le carreau, sans job, aux crochets de la Prestation canadienne d’urgence. Nombre d’entreprise­s ont dû fermer leurs portes ou réduire considérab­lement leurs activités commercial­es.

Beaucoup de ménages ont été forcés de reporter leurs paiements de dette.

Comment peut-on expliquer le phénomène d’une telle bulle immobilièr­e ?

LES HYPOTHÈSES

Comme les acheteurs potentiels avaient retardé leurs achats en raison du confinemen­t du printemps dernier, cela a eu pour effet de générer, semblet-il, une demande refoulée, laquelle aurait largement contribué à la hausse des prix des maisons.

Deuxième hypothèse à l’appui de la flambée actuelle des prix : la baisse des taux hypothécai­res à la suite de la diminution marquée du taux directeur de la Banque du Canada. Ce serait, diton, un grand incitatif pour les ménages qui cherchent à acheter une propriété.

Autre argument évoqué : malgré la hausse des prix, les propriétés dans la grande région métropolit­aine de Montréal restent encore nettement abordables à comparer aux régions métropolit­aines de Vancouver, Victoria, Toronto, Hamilton. Cela laisse croire aux acheteurs potentiels qu’ils bénéficier­aient d’une importante marge de manoeuvre avant d’atteindre un pic dans le prix de nos propriétés.

LA RÉALITÉ

Plusieurs embûches se dressent devant la demande immobilièr­e.

Un, on est en pleine deuxième vague de COVID-19, ce qui entraîne la fermeture de plusieurs activités commercial­es. On parle même d’une possible troisième vague qui surviendra­it l’hiver prochain. Deux, le gouverneme­nt fédéral ne pourra plus se montrer aussi « généreux » envers les éclopés de la COVID-19 (travailleu­rs et entreprise­s éclopés) qu’il l’a été jusqu’à la fin de septembre. Même chose pour le gouverneme­nt du Québec.

Trois, l’actuelle crise économique risque de perdurer plus longtemps qu’on le croyait.

Quatre, le ralentisse­ment de l’immigratio­n va automatiqu­ement exercer une pression à la baisse sur le marché de l’habitation, notamment sur l’achat de propriétés. Cinq, le niveau d’endettemen­t des ménages est très élevé.

Six, la SCHL se fait maintenant plus restrictiv­e dans son programme d’assurance des hypothèque­s contractée­s par les ménages qui versent moins de 20 % de mise de fonds à l’achat d’une propriété.

MISE EN GARDE DE LA SCHL

S’il y a un organisme gouverneme­ntal qui s’y connaît bien en marché immobilier, c’est bien la SCHL.

Dans son évaluation du marché de l’habitation du troisième trimestre, la SCHL fait le point sur l’effet de la COVID-19 sur ledit marché.

« Nous demeurons préoccupés par la stabilité à long terme du marché de l’habitation. Avec le choc sans précédent provoqué par la COVID-19, nous faisons face à des risques qui n’étaient pas pris en compte auparavant… »

En juin dernier, la SCHL prévoyait une baisse de 9 à 18 % du prix des logements au cours des 12 prochains mois. Voilà pourquoi, elle a resserré ses politiques de souscripti­on des prêts hypothécai­res assurés.

En vigueur depuis le 1er juillet, les changement­s ciblent spécifique­ment les emprunteur­s à plus haut risque qui offrent une mise de fonds inférieure à 20 %, nécessitan­t ainsi une telle assurance de la part de la SCHL. En passant, quelque 35 % des prêts hypothécai­res consentis par les banques canadienne­s sont assurés soit par la SCHL soit par un assureur privé, comme Genworth Canada.

La cote de crédit requise pour contracter un emprunt hypothécai­re a été haussée. L’emprunt d’argent en provenance d’autres sources (comme celle d’une marge de crédit) pour effectuer la mise de fonds est dorénavant interdit. La SCHL a également resserré les ratios d’endettemen­t liés à la portion du revenu annuel servant à débourser les versements hypothécai­res, les impôts fonciers, les frais de condo et les frais de chauffage.

Le rapport d’amortissem­ent brut de la dette liée à la propriété ne doit pas dépasser 35 % du revenu annuel, à comparer à 39 % auparavant. Le ratio d’amortissem­ent total de la dette (incluant l’intérêt sur les cartes de crédit, les paiements de voiture et autres dettes) est passé de 44 % à 42 %.

Par ces mesures, la SCHL veut éviter que le Canada revive d’importants déséquilib­res dans le marché immobilier résidentie­l comme ce fut le cas à la fin des années 1980 et en 2008-2009.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada