UN AUTRE FLEURON AVALÉ À RABAIS
La vente de Transat à son concurrent transformée en raison de la pandémie
AIR CANADA PAIERA 4 FOIS MOINS POUR TRANSAT SI LA VENTE EST OFFICIALISEE
« AVEC UNE BAISSE PRÉVUE DU VOLUME DE 66 % À L’ÉCHELLE MONDIALE À LA FIN DE 2020, IL VA SANS DIRE QUE LE MONDE A CHANGÉ PROFONDÉMENT DEPUIS LA SIGNATURE DE LA CONVENTION ORIGINALE EN JUIN 2019 »
– Jean-marc Eustache, Président de Transat
Frappée par la pire crise de son histoire, Transat est prête à accepter à peine 190 millions $, soit près de quatre fois moins que prévu, pour être avalée par sa concurrente Air Canada, un montant probablement décevant pour les dirigeants et les actionnaires du groupe, mais « juste » dans le contexte, estiment des experts.
L’écart est brutal pour le transporteur québécois fondé en 1986 qui s’était vu offrir 720 millions $, ou 18 $ pour chaque action de Transat, il y a un peu plus d’un an.
Air Canada n’offre plus que 5 $ par action en vertu d’une entente révisée appuyée unanimement par le conseil d’administration de la maison-mère d’air Transat.
Or, la pandémie a frappé tout aussi brutalement Transat, comme le reste du secteur aérien, tant et si bien que « dans le marché actuel, c’est ce que ça vaut même si ce n’est “pas cher” comparativement à sa valeur PRÉ-COVID », analyse Michel Nadeau, expert en finance et en gouvernance.
Avec la chute désastreuse du trafic aérien, l’offre initiale « n’était plus vraiment réaliste » et Air Canada offre « probablement un juste prix compte tenu des circonstances », croit aussi Jacques Roy, professeur en gestion des transports à HEC Montréal.
« ÇA VA REPRENDRE »
Ceci dit, « la pandémie ne sera pas éternelle, ça va reprendre à un moment donné » nuance M. Nadeau.
Transat faisait face à une échéance de plus en plus pressante puisque si l’entente n’était pas conclue avant la fin de l’année, elle allait être complètement annulée.
Pour les investisseurs et ceux qui ont bâti l’entreprise, « c’est décevant, mais en même temps, quand on regarde la situation actuelle, difficile de prévoir quand le cours des actions des deux compagnies […] vont revenir à leur valeur de l’an dernier », résume Jacques Roy.
Sans une fusion, le transporteur québécois fait face à des années difficiles et « on pouvait se demander si Air Transat avait la capacité de résister aux prochaines années », avance un autre observateur, Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal.
LE FÉDÉRAL ÉCORCHÉ
Mais la pandémie ne doit pas être invoquée comme la seule raison pour expliquer la perte de valeur, selon Mehran Ebrahimi, directeur de l’observatoire de l’aéronautique à L’UQAM. Selon lui, le gouvernement fédéral est aussi à blâmer.
« J’ai honte du comportement du gouvernement canadien dans la mesure où c’est sa juridiction, l’aviation », a lâché le spécialiste.
Alors que pratiquement tous les pays du monde sont venus à la rescousse des compagnies aériennes, le Canada n’a rien fait, a-t-il fait valoir.
« Qu’est-ce qui passe dans la tête de nos dirigeants ? On n’a rien fait, on ne fait rien », a-t-il ajouté.
« Si on veut garder au Canada notre souveraineté dans notre ciel, on va devoir les aider davantage » se désole-t-il.
La nouvelle transaction nécessite d’être approuvée par au moins les deux tiers des actionnaires de Transat lors d’une assemblée extraordinaire qui devrait avoir lieu au début décembre.
Elle doit aussi obtenir l’aval des autorités réglementaires du Canada et de l’union européenne, qui pourraient émettre des doutes sur la formation d’un géant.
Transat avait d’abord accepté une proposition d’air Canada de 520 M$ en mai 2019 avant de voir l’offre bonifiée à 720 M$ en août de la même année. La transaction avait été mise sur pause en juin dernier en raison de la pandémie.