L’influence du lobby du cannabis grandit lobby du cannabis grandit
L’industrie, qui comprend des fabricants de cigarettes, veut convaincre l’état d’assouplir certaines règles
OTTAWA | Après deux ans de légalisation, un tiers des Canadiens consommateurs de marijuana se sont tournés vers le marché légal. Des observateurs internationaux craignent toutefois que cette course aux parts de marché fasse perdre de vue la protection de la santé publique.
Entre juillet 2019 et juillet 2020, le secteur du cannabis a crû de 18 % au pays, selon Statistique Canada. Aucune autre industrie n’a connu un tel boom en cette année de pandémie.
La Société québécoise du cannabis a ainsi réalisé des ventes de 110,4 M$, du 29 mars au 20 juin 2020, soit 65,3 M$ de plus qu’à la même période l’an dernier.
« En tant que Canadiens, nous devons être fiers. Le Canada a fait preuve de leadership et l’initiative est un succès », applaudit le président du Conseil canadien du cannabis, George Smitherman.
S’il y a de quoi se réjouir que le marché légal fasse son nid dans un secteur dominé par la criminalité, il faut se méfier de la « ruée vers l’or vert » qui allèche les puissants investisseurs, prévient la Transform Drug Policy Foundation, dans un rapport publié en août.
Cette organisation internationale, qui conseille l’organisation des États américains et collabore avec les Nations Unies sur les questions liées aux drogues, prévient qu’ottawa est maintenant face à un petit nombre de géants capables d’influencer les politiques publiques, comme l’ont fait les industriels du tabac et de l’alcool.
LOBBY PUISSANT
Ces deux industries investissent d’ailleurs massivement dans le cannabis. L’an dernier, la plus grande compagnie de tabac au monde, Altria, propriétaire de Philip Morris et de Marlboro, a par exemple acquis 45 % de Cronos, un producteur de cannabis de Toronto.
Rebecca Jesseman, du Centre canadien sur les dépendances et les drogues, explique que le lobby du cannabis, déjà actif avant la légalisation, n’a fait qu’accroître son influence depuis.
Le secteur embauche de plus en plus d’ex-politiciens et hauts fonctionnaires qui connaissent bien les rouages de l’état.
George Smitherman, qui fait du lobby pour l’industrie au fédéral, est lui-même l’ex-vice-premier ministre de l’ontario et ex-ministre de la Santé.
SANTÉ PUBLIQUE
« Nous devons être très vigilants et très prudents, car les lobbyistes sont très efficaces. C’est pour ça qu’ils sont payés très cher », prévient Mme Jesseman.
« Le secteur privé répond à la quête de profits et non pas à l’intérêt public. Il perd inévitablement de vue les impératifs de santé publique », insiste-t-elle.
M. Smitherman assure que la protection de la santé publique est la « fondation » sur laquelle l’industrie veut bâtir. Il souligne que gagner du terrain sur le marché noir est aussi une question de santé publique.
Pour y parvenir, il explique vouloir obtenir une taxation plus favorable permettant de baisser les prix et le droit de faire plus de publicité et de modifier les emballages pour attirer plus de consommateurs.