En finir avec la dictature démocratique
Notre système électoral hérité du régime britannique crée une illusion de démocratie alors que le bipartisme est disparu de notre paysage politique depuis plusieurs décennies.
Il y a quelque chose d’insidieux à ce qu’une minorité de l’électorat puisse élire un gouvernement qui détient la majorité des sièges au Parlement et qui peut s’arroger tous les pouvoirs sans vergogne.
Les parlementaires québécois se sont prononcés favorablement sur le principe du projet de loi 39 qui vise à réformer le mode de scrutin. Leur aval majoritaire entrouvre la voie à un système électoral plus juste et équitable au Québec.
Cependant, l’étude détaillée du projet en commission parlementaire et une éventuelle campagne référendaire ne seront pas une sinécure !
LE CONFORTABLE STATU QUO
Difficile de changer les institutions. Les efforts de militants de longue date pour une réforme du mode de scrutin en témoignent.
La CAQ n’est pas la première formation politique à se révéler plus tatillonne dans le cheminement d’une réforme électorale en se retrouvant au pouvoir.
Les libéraux de Justin Trudeau se sont empressés de torpiller le projet au niveau fédéral après avoir promis des changements lorsqu’ils étaient dans l’opposition.
Le PQ en avait fait autant après avoir mandaté l’un de ses ministres pour mener à terme une telle réforme.
Il semble ardu pour des politiciens au pouvoir de ne pas induire de biais qui leur soient favorables dans un projet de réforme.
Ils préfèrent se satisfaire du statu quo si l’opposition regimbe.
C’est ainsi que la CAQ confiante en sa réélection inscrit une prime au vainqueur dans son projet de réforme pour donner encore plus d’assurance à ses députés qu’ils retrouveront leur place dans l’enceinte parlementaire.
Quant au PLQ, il s’accommoderait du statu quo avec la prime à l’urne que lui procurent les anglophones et la vaste majorité des allophones.
FAIRE L’HISTOIRE
Malgré les embûches, l’ex-ministre Jean-pierre Charbonneau continue de croire possible un progrès significatif dans la transformation du mode de scrutin si les partis consentent à jeter du lest, plus particulièrement ceux qui ont souscrit à l’alliance transpartisane (CAQ, QS et PQ).
À ses yeux, la ministre Sonia Lebel a les qualités pour amener ses collègues à adhérer aux compromis utiles et favoriser l’émergence d’un système électoral plus juste.
D’importantes modifications devront toutefois être apportées au projet de loi pour garantir cette justice électorale qui passe par une meilleure prise en compte du poids des votes et des préoccupations pour la proximité, la parité et la stabilité gouvernementale.
Le défi s’avérera également grand pour le premier ministre Legault qui devra mener une campagne afin de faire avaliser l’éventuelle réforme par la population malgré l’armée d’épouvantails qui agitera la catastrophe appréhendée. Pourtant, la majorité des pays ont adopté un mode de scrutin proportionnel.
Pour rassurer les anxieux, François Legault pourrait, comme en Nouvelle-zélande, inscrire dans la loi un référendum de validation après trois élections générales vécues sous le nouveau régime !
Il y a quelque chose d’insidieux à ce qu’une minorité de l’électorat puisse élire un gouvernement majoritaire.