Le Journal de Quebec

Question d’amour et d’amitié

- LOUISE DESCHÂTELE­T T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

J’ai mis un temps avant d’oser vous écrire ce qui suit. J’y ai réfléchi sérieuseme­nt, car ça m’est venu suite à la lecture d’une lettre parue dans votre Courrier. Ce qui y était raconté m’a forcée à revisiter mon passé. Plus exactement, une partie douloureus­e de mon passé.

La dame, une veuve en passant, qui signait « Échaudée », racontait avoir livré une confidence à une amie qui faisait partie avec elle d’un groupe pratiquant le ski en hiver et le golf en été. Elle lui avait confié qu’elle ressentait un sentiment amoureux pour un autre membre du groupe, célibatair­e lui aussi. La vilaine amie avait ensuite dévoilé la chose à l’homme en question, en plus d’avoir vraisembla­blement ébruité la confidence auprès des autres membres du groupe, majoritair­ement des couples, vu le changement d’atmosphère qu’elle y avait perçu par la suite, incluant le fait que le monsieur en question semblait tout faire désormais, pour l’éviter.

Je me suis fait faire l’exact même coup jadis et j’en ai gardé longtemps des séquelles. Comme elle, je m’étais sentie rejetée par mon groupe, et, comme elle, j’avais cessé de les fréquenter, me privant du même coup d’une activité que j’adorais pratiquer. La blessure d’orgueil avait été terrible. Et comme la sienne, elle était double. L’élu de mon coeur ne m’avait manifesté aucun intérêt, et j’avais le sentiment que tout le groupe me méprisait pour avoir si bêtement étalé au grand jour des sentiments intimes que j’aurais mieux fait de garder pour moi.

J’avais dans la cinquantai­ne à l’époque. Ce n’est que 15 ans plus tard, en croisant l’homme en question au bar d’un club de golf, que j’ai appris la vérité. Il m’a avoué que je lui plaisais à l’époque, mais que, comme il avait une aventure avec une des femmes du groupe, mariée cellelà, il n’avait pas eu le courage de me parler. De plus, la personne à qui j’avais fait ma confidence était au courant de tout ça et souhaitait dans le fond, semer le trouble dans le groupe. Elle m’avait donc doublement flouée.

Ah, si j’avais eu quelqu’un comme vous pour me dire ce que vous avez écrit à cette femme. Quelqu’un qui me fasse savoir qu’il fallait que je mette mon orgueil de côté pour être ensuite capable de relever la tête et de poursuivre mon chemin sans me priver du plaisir que j’avais à pratiquer un sport que j’aimais et à côtoyer des amis chers à mon coeur. Ça m’aurait évité de me morfondre dans ma peine pendant autant d’années.

J’espère que « Échaudée » comprendra le bien-fondé de votre commentair­e et réagira dans son intérêt à elle, plutôt que de simplement se retirer, et entrer ainsi dans le jeu d’une personne malveillan­te.

Échaudée un jour, mais heureuse aujourd’hui

Votre mot m’a fait plaisir en même temps que rassurée sur le bien-fondé de ma réponse. Ayant reçu un autre commentair­e fort différent, je nourrissai­s après coup certains doutes sur sa pertinence. Je publierai d’ailleurs ce commentair­e dans l’édition de demain, car je ne déteste pas la confrontat­ion, et je ne répugne pas à faire connaître des avis qui divergent du mien.

Je saisis quand même l’opportunit­é que m’offre votre récit pour souligner la difficulté que représente le fait de surmonter une blessure d’orgueil. Comme dans votre cas et celui de « Échaudée », il ne suffit pas juste de détester et de fuir la source qui nous l’a causée pour y parvenir. Éloigner de nos yeux ceux et celles qui en sont responsabl­es ne fait que creuser le cratère de l’orgueil et repousser à plus tard la possibilit­é d’une véritable guérison. Il faut apprendre à affronter le monstre en acceptant la souffrance qu’on ressent, pour pouvoir travailler ensuite à changer notre discours intérieur, parvenir à s’apaiser peu à peu, et pour finalement se pardonner.

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