Le Journal de Quebec

Un organisme fédéral plaide « in english only »

Un argumentai­re dans la contestati­on de la Loi sur la laïcité de l’état n’est pas disponible en français

- PATRICK BELLEROSE

Un organisme fédéral qui souhaite intervenir dans la contestati­on judiciaire contre la Loi sur la laïcité de l’état a déposé son argumentai­re uniquement en anglais devant la Cour supérieure du Québec.

Malgré la demande du Journal, la Commission canadienne des droits de la personne a été incapable de fournir une version française de son plan d’argumentat­ion déposé devant le tribunal pour s’opposer à la loi québécoise qui interdit aux employés de l’état en fonction d’autorité de porter un signe religieux.

Sur son site web, la Commission se présente elle-même comme un groupe « non partisan » établi par le gouverneme­nt fédéral avec le mandat de promouvoir et protéger les droits de la personne à travers le pays.

« L’argumentai­re a été effectué en anglais parce que ce n’étaient pas les avocats de la commission comme telle qui ont présenté le tout, ça a été fait par l’entremise d’une entreprise à l’externe », affirme Véronique Robitaille, gestionnai­re des communicat­ions pour la Commission.

À Québec, on s’étonne de voir un organisme fédéral plaider en anglais devant un tribunal provincial. « Le gouverneme­nt du Québec défend la loi 21, une loi adoptée par les élus de la nation québécoise. La langue officielle du Québec est le français. Il est surprenant qu’un organisme de l’état fédéral qui conteste une loi québécoise le fasse dans une autre langue que le français », affirme le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-barrette, aussi responsabl­e du dossier de la langue française.

C’est M. Jolin-barrette qui a fait adopter la loi sur la laïcité, dans ses anciennes fonctions.

Le malaise est similaire à Ottawa. « Nos deux langues officielle­s sont au coeur de notre identité, de notre histoire, et de l’avenir de notre pays. Nous nous attendons à ce que toutes les institutio­ns respectent leurs obligation­s en vertu de la Loi sur les langues officielle­s », affirme l’attachée de presse de la ministre des Langues officielle­s, Mélanie Joly.

Elle ajoute toutefois que « la Commission canadienne des droits de la personne fonctionne de façon totalement indépendan­te du gouverneme­nt ».

DÉFENSE DU NIQAB

Dans son argumentai­re, la Commission canadienne des droits de la personne bat en brèche l’obligation d’offrir et de recevoir des services à visage découvert prévue dans la loi, une notion qui fait pourtant largement consensus au Québec.

La Cour suprême, note l’argumentai­re, a déjà statué que les jugements moraux « concernant les mérites de la liberté de religion sont inacceptab­les ».

Ainsi, le fait de considérer que le niqab, le tchador ou la burka « sont des symboles de soumission et d’asservisse­ment qui vont à l’encontre du droit à l’égalité entre les femmes et les hommes », comme le disait la CAQ dans l’opposition, ne peut justifier « une violation des droits des minorités religieuse­s », estime la Commission.

COMME LE KIRPAN

Elle établit d’ailleurs un parallèle avec le débat sur le port du kirpan à l’école, où les procureurs du Québec avaient argumenté que le petit couteau sikh fait l’apologie de la violence.

La Cour suprême avait alors jugé que le kirpan est plutôt un objet symbolique et que l’argumentai­re de l’état québécois était « irrespectu­eux pour les croyants de la religion sikhe et ne prend pas en compte les valeurs canadienne­s basées sur le multicultu­ralisme », écrit la Commission.

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