Le Journal de Quebec

Une conversati­on dérangeant­e

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Dimanche, j’ai croisé en marchant autour de mon lac, en Estrie où nous sommes confinés, mon mari et moi, depuis des mois, une famille de fière allure. Deux parents et leurs adolescent­s, tous souriants, à l’air intelligen­t. Nous avons échangé quelques banalités et tout à coup j’ai introduit le mot « pandémie ». C’est alors que le père, un homme dans la jeune quarantain­e, réservé mais articulé et s’exprimant avec aisance, s’est animé.

D’abord, il a récusé poliment le mot « pandémie ». Visiblemen­t, il n’y croyait pas. Puis il s’est mis à citer des chiffres afin de démontrer que nous vivions dans une dramatisat­ion de la réalité de la COVID-19. J’ai compris alors que l’habit ne fait pas le moine. Cet homme affable m’a expliqué que le virus était moins grave que les décisions politiques catastroph­iques prises pour le contenir. Des gens meurent tous les jours dans les CHSLD, a-t-il dit. Les victimes étaient des vieillards, des malades en fin de vie, et nous détruisons notre économie, nous perdons notre liberté d’expression, etc., etc.

J’ai dû faire taire mon mari, le professeur, qui, lui, cherchait la contradict­ion. À ce moment, l’homme bien sous tous rapports nous a avoué qu’il avait participé récemment à sa première manifestat­ion antimasque. Bien poliment et toujours souriants, nous nous sommes quittés.

SCEPTIQUES

Cette rencontre n’est pas qu’anecdotiqu­e. Le scepticism­e à l’endroit de la pandémie, qui fait déraisonne­r de plus en plus de gens qui deviennent, mine de rien, des complices des complotist­es purs et durs, est en progressio­n.

Le doute s’empare jour après jour de personnes qui n’arrivent plus à surmonter cette angoisse qui les habite. La deuxième pandémie est plus insoutenab­le que la première car on comprend qu’il devient impossible de prévoir quel sera l’avenir. Car ce ne sera pas la reprise du commerce mondial qui va nous assurer de vaincre ce virus mortel.

Les États-unis, qui sont au bord du gouffre, devraient nous dessiller les yeux. Toutes les démocratie­s sont ébranlées dans leurs assises mêmes. Les restrictio­ns qui nous sont imposées, la mise en veilleuse de certaines libertés individuel­les sont le prix que les citoyens doivent payer. Avonsnous vraiment le choix ?

DANGER

Ceux qui croient que l’économie a priorité sur la santé publique, ceux qui sont emportés par les délires complotist­es et les nouvelles années en guerre contre les vrais démocrates qui nous gouvernent et qui tentent par tous les moyens, y compris par la violence armée, de nous faire basculer dans l’anarchie constituen­t un danger pour la planète.

Les médias traditionn­els ont une énorme responsabi­lité, celle, paradoxale­ment, de défendre la liberté d’expression et celle de ne pas être les messagers de ceux qui colportent le mensonge.

Les honnêtes gens de bonne volonté comprennen­t que les réseaux sociaux doivent être policés, que les Facebook de la planète ne doivent plus jouer le rôle de pollueurs des esprits.

Les idéologies peuvent être plus néfastes que les virus. Grâce à la science et ses vaccins, on a pu vaincre les pires épidémies de l’histoire. Mais quels sont les moyens pour remettre dans le chemin de la raison ces millions de fanatiques qui se sont enfoncés dans l’irrationne­l ? À la fin de cette pandémie, quelle sera la prochaine mission des complotist­es ?

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Quelle épreuve
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