Quand l’échec n’est plus une option
Ian Lafrenière hérite d’une mission périlleuse. Nommé vendredi par le premier ministre, François Legault, au poste de ministre des Affaires autochtones, son droit à l’erreur s’annonce fort limité.
Promu dans la foulée de la mort atroce de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette sous une pluie d’insultes racistes, Ian Lafrenière est le premier à le savoir. Il sait que son image tenace d’ex-policier le suit.
Au sein des Premières Nations, des voix, dont celles de plusieurs femmes de renom, s’élèvent d’ailleurs pour décrier ce qu’elles qualifient de « provocation ».
À l’assemblée des Premières Nations Québec-labrador, le chef Ghislain Picard s’est fait plus diplomate. Des tensions persistantes entre lui et le premier ministre sont cependant connues.
En remplaçant Sylvie D’amours aux Affaires autochtones, la réaction de M. Legault à la mort révoltante de Joyce Echaquan, une jeune femme attikamek, fut néanmoins rapide.
À l’opposé, son refus répété de reconnaître l’existence même du racisme systémique envers les Autochtones risque d’affaiblir les ponts que dit vouloir rebâtir Ian Lafrenière avec les Premières Nations.
LE COMMUNICATEUR
Or, aussi ex-policier soit-il, Ian Lafrenière est avant tout un communicateur redoutable. Intègre et habile, il désirait lui-même ce ministère. C’est donc qu’il réfléchit au dossier depuis longtemps.
Même s’il n’en nomme pas le principe ouvertement, c’est donc aussi qu’il n’est pas sans savoir les dommages extrêmes provoqués par la persistance au pays, y compris au Québec, du « racisme systémique ». Celui-là même qui, depuis 1876, découle de la très raciste Loi fédérale sur les Indiens.
Cela dit, le nouveau ministre Lafrenière ne fera pas de miracles. Face à cet héritage lourdement empoisonné, personne ne s’y attend. La vraie question est nettement plus concrète.
Le gouvernement Legault saura-t-il ou non poser les gestes nécessaires pour mieux combattre le racisme déjà amplement documenté envers les Autochtones ? Que ce soit dans le réseau de la santé, en justice, à la DPJ, etc.
Ian Lafrenière se dit prêt à multiplier les échanges avec les Premières Nations du Québec. Tout particulièrement, les femmes autochtones ont d’immenses doléances quant à leur propre sécurité, entre autres face aux forces policières dont le nouveau ministre est lui-même issu.
BEAUCOUP D’ÉCOUTE
Pour ce faire, il lui faudra aller souvent sur le « terrain ». Rencontrer les diverses communautés. Ce qui, en temps de pandémie, ne sera pas simple, mais non moins essentiel.
Tout juste avant son élection en 2018, Ian Lafrenière était chef de la division des Communications et relations publiques du SPVM. Comme ministre des Affaires autochtones, son tout premier défi en sera justement un de communication. Mais surtout, d’écoute. Beaucoup d’écoute.
S’il réussissait à enclencher et soutenir le contact au cours des prochains mois, un pas majeur serait franchi pour la suite des choses. Avant de bâtir de nouveaux ponts, installer un climat de confiance, même minimal, lui sera crucial.
Encore faudra-t-il que son premier ministre lui accorde toute la latitude nécessaire pour agir, concrètement, le temps venu.
Les crises tendent en effet à dénouer ou réparer ce que l’on croyait insoluble à jamais. L’échec, de toute manière, n’est plus une option.