Le Journal de Quebec

Les jeunes pousses privilégie­nt l’anglais

Des entreprise­s reçoivent des millions de dollars en fonds publics même si leur raison sociale n’est pas en français

- SYLVAIN LAROCQUE ET FRANCIS HALIN in English, Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires, qui découle de la Charte, permet aux entreprise­s d’utiliser un nom qui n’est pas en français à condition que celui-ci soit accompagné d’un « générique

Même si Alimentati­on CoucheTard, Cascades et le Cirque du Soleil ont conquis le monde avec des noms en français, les jeunes entreprene­urs québécois préfèrent souvent adopter des noms en anglais, ce qui ne les empêche pas de recevoir des fonds publics.

Au cours des derniers mois, Investisse­ment Québec (IQ) et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) ont investi dans des entreprise­s comme Hopper, Hivestack, Breathe Life, Classcraft et Busbud. Des sites web de firmes comme Hivestack et Breathe Life ne sont pratiqueme­nt qu’en anglais, en contravent­ion flagrante avec la Charte de la langue française.

Sur les 61 entreprise­s québécoise­s du récent palmarès des 400 sociétés avec la plus forte croissance au pays, 22 ont des raisons sociales soit 36 %. La proportion est encore plus élevée pour les jeunes entreprise­s axées sur les technologi­es.

« C’est bon qu’on en parle, d’attirer le regard sur cet enjeu-là », reconnaît Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain.

« Mais ce que je ne ferais pas, c’est de lancer la pierre à des entreprene­urs qui, de bonne foi, se sont dit : comment je peux, avec une marque, avec un nom, illustrer ce que je fais à l’internatio­nal ? », ajoute-t-il.

Guillaume Caudron, PDG de Réseau Capital, ne voit pas de problème.

« Nos membres investisse­nt dans les entreprise­s en fonction de leurs compétence­s et de leur potentiel et non pas en fonction de leur nom », tranche-t-il.

LE FRANÇAIS POUR LES INTIMES

Cet été, Investisse­ment Québec a investi dans Buyback Booth, la présentant comme une entreprise « basée à Montréal ».

Son chef de la technologi­e, Dominique Dion, affirme cependant que Buyback Booth est une entreprise américaine et que sa société mère porte un nom en français : À la carte média.

Judith Fetzer, PDG de Cook it, une entreprise de repas livrés à domicile, explique avoir choisi ce nom afin d’« inclure le mot kit, pour kit à cuisiner ».

« Avec le recul, si je n’avais pas réfléchi à ça toute seule dans mon salon, j’aurais sûrement pu trouver un mot comme Google. Mais du haut de mon très peu d’expérience, ç’a donné ça », confesse-t-elle.

Pour se conformer à la Charte de la langue française, Daniel Kudish a modifié le nom de l’entreprise de photograph­ie qu’il a cofondée. The Image Salon est ainsi devenu Image Salon, « ce qui nous a donné un nom bilingue », dit-il.

ASSOUPLISS­EMENT ET RÉALISME

Mais selon lui, Québec devrait assouplir la loi 101.

« Nous sommes entièremen­t pour la préservati­on du français au Québec et au Canada, mais l’approche n’est pas toujours la meilleure, à mon avis », soutient M. Kudish.

Le fondateur du Startupfes­t, Philippe Telio, ne croit pas qu’il soit réaliste de traduire en français les noms de toutes les jeunes entreprise­s québécoise­s.

« Luminovite au lieu de Lightspeed, Passeboîte plutôt que Passwordbo­x ou Respivie pour Breathe Life, ça ne serait pas facilement compréhens­ible pour les anglophone­s, qui sont souvent la clientèle cible ou les acquéreurs des startups québécoise­s. Mais en revanche, si la star

tup cible le Québec, elle ne devrait pas utiliser un nom anglo-saxon. »

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PHOTOS COURTOISIE Les raisons sociales des technos québécoise­s sont, dans une forte proportion, en anglais. Fait très préoccupan­t, leurs sites web sont parfois presque uniquement en anglais.

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