Québec et les routes de la soie
Deux spécialistes des nouvelles routes de la soie, vaste projet économique lancé par le président chinois Xi Jinping, expliquent comment le projet d’agrandissement du port de Québec pourrait intéresser Washington et Pékin pour des raisons différentes.
Ex-conseiller du représentant américain au commerce de 2014 à 2016, Jonathan Hillman est spécialiste des questions commerciales chinoises au Centre d’études stratégiques et internationales, à Washington. Il vient de publier The Emperor’s New Road au sujet des nouvelles routes de la soie.
Frédéric Lasserre est professeur de géographie à l’université Laval. Il a codirigé le livre Les nouvelles routes de la soie : Géopolitique d’un grand projet chinois.
Quelle est la relation entre l’entreprise CK Hutchison, maison-mère de Ports Hutchison Canada, et le gouvernement central chinois ?
HILLMAN : Je crois qu’ils sont dans une situation difficile parce que le gouvernement central chinois a resserré son emprise l’été dernier sur le territoire de Hong Kong.
LASSERRE : Pour le moment, Hutchison est une compagnie privée relativement indépendante du gouvernement central. Estce que ça va rester comme ça longtemps ? Il y a une certaine incertitude.
Est-ce que la présence de Hutchison pourrait donner l’occasion au gouvernement chinois d’ajouter Québec au parcours maritime des routes de la soie, son vaste projet de corridors commerciaux ?
HILLMAN : Les Chinois voudraient certainement étendre les routes de la soie au Canada. Il pourrait certainement y avoir une volonté de mettre l’étiquette dessus.
LASSERRE : Ce n’est pas impossible que le gouvernement chinois commence à communiquer en disant que les Amériques aussi, ça fait partie des nouvelles routes de la soie.
Est-ce que le gouvernement des États-unis pourrait intervenir auprès du Canada concernant la présence d’hutchison dans le projet de Québec ?
HILLMAN : Sans vouloir spéculer, je serais surpris qu’il n’y ait pas déjà eu des interventions. Mais il n’y aura pas de déclaration publique avant une intervention privée. Si le secrétaire d’état Mike Pompeo a dit ce qu’il a dit à propos des contrats d’infrastructures d’israël avec la Chine ( voir autre texte), on peut imaginer ce qu’il pourrait dire à propos d’un port encore plus proche des États-unis.
LASSERRE : Les gros projets au Canada vont de plus en plus soulever de questions du côté américain. On veut limiter le plus possible l’exposition pour de gros contrats avec des compagnies chinoises de Chine populaire ou de Hong Kong.