La vitesse, ennemi numéro 1
Les élus reçoivent davantage de plaintes cette année pour dénoncer la vitesse des voitures dans leur quartier
Le nombre de citoyens qui se plaignent pour dénoncer les excès de vitesse a explosé en cette année de confinement, selon plusieurs élus municipaux.
Le conseiller municipal de Saguenay Jean-marc Crevier dit avoir remarqué une très forte hausse de plaintes au sujet de la vitesse, au point où il demande d’installer des radars photo. « Cette année, c’est incroyable, trois appels sur quatre que je reçois, c’est pour la vitesse », explique-t-il.
Son hypothèse est qu’en raison du télétravail, les gens sont davantage témoins des excès de vitesse dans leurs rues.
Cet été, l’arrondissement montréalais Rivière-des-prairies–pointe-auxTrembles, qui comptait une dizaine de dos-d’âne, en a installé 63 de plus.
« Les gens nous disent qu’ils en veulent plus, on a énormément de demandes », explique la mairesse Caroline Bourgeois.
Au mois d’août, un secteur du boulevard Gouin a aussi été réaménagé pour devenir un sens unique sur un tronçon de 8 km, et la vitesse maximale a été abaissée à 30 km/h.
La deuxième voie a été transformée en piste cyclable et des pots de fleurs empêchent les voitures de s’y aventurer. De cette façon, impossible de dépasser ceux qui respectent la limite de vitesse comme c’était le cas avant.
Et la voie étant plus étroite, l’automobiliste est forcé de ralentir. « En un mois, on voit le changement. Des aînés qui marchent, des enfants en trottinette. Les fins de semaine, c’est plein », souligne la mairesse.
Selon les données de la SAAQ que nous avons analysées dans le cadre de notre dossier présenté depuis vendredi sur les routes les plus dangereuses du Québec, il y a eu 39 accidents qui ont fait 23 blessés sur le boulevard Gouin entre l’a25 et l’a40, depuis 2014.
Autre bonne raison de réaménager le boulevard : « Chaque année, la CAA faisait un concours de la pire route : on l’avait gagné trois fois », ajoute Mme Bourgeois.
LA SIGNALISATION INSUFFISANTE
Selon Lynda Bellalite, professeur au département de géomatique à l’université de Sherbrooke et spécialiste de la sécurité routière, l’abaissement de la limite de vitesse ne semble pas diminuer le nombre d’accidents, mais cela a tout de même un impact sur leur gravité. « Le nombre d’accidents reste le même, mais au lieu que ce soit des accidents graves avec des décès, on aura des blessures graves aussi, mais pas de décès », dit-elle.
Chose certaine, pour que les limites soient respectées, il ne faut pas se contenter d’installer une nouvelle signalisation.
« Les panneaux d’affichage ne changent rien. Il faut des dispositifs modérateurs, des dos-d’âne, des giratoires », dit-elle.
« Si on fait juste changer le panneau de 50 à 30 km/h sans réaménagement de la rue, les gens continuent à circuler à 50 ».
AUTANT DE PLAINTES QU’AVANT
À Beaconsfield, où la vitesse est limitée à 40 km/h partout sur le territoire depuis 2007, le maire Georges Bourelle dit recevoir toujours autant de plaintes qu’avant.
« Est-ce que le changement à 40 km/h a fait beaucoup de différence ? Je ne pense pas. Il y avait peu d’accidents, on a mis des dos-d’âne pour rendre heureux des citoyens, car ils percevaient de la vitesse. »
Les gens consacrent moins de 10 % de leur attention aux panneaux de signalisation, souligne Mme Bellalite. Ce qui influence la vitesse est la configuration de la rue.
« Plus c’est dégagé, plus le conducteur se sent en sécurité, plus il accélère. Plus il se sent contraint, plus il va ralentir », dit-elle.