Le Journal de Quebec

Les Filles de Caleb fêtent leurs 30 ans

La série télévisée qui a marqué le Québec n’a pas pris une ride

- MARIE-JOSÉE R. ROY

C’était il y a 30 ans, le 18 octobre 1990. Le Québec faisait connaissan­ce avec une jeune institutri­ce fougueuse du nom d’émilie Bordeleau et de son élève, le ténébreux Ovila Pronovost, se passionnan­t aussitôt pour leurs amours enflammées et déchirées. Trois décennies plus tard, le coup de foudre avec Les Filles de Caleb perdure.

Les lecteurs avaient d’abord craqué pour le best-seller de l’écrivaine Arlette Cousture, paru en deux tomes en 1985 ( Le chant du

coq) et 1986 ( Le cri de l’oie blanche), adapté ensuite à l’écran par l’auteur Fernand Dansereau et le réalisateu­r Jean Beaudin.

FRESQUE AMBITIEUSE

L’ambitieuse fresque, tournée sur presque deux ans en Mauricie (Saint-jeandes-piles) aura révélé quantité de talents, Marina Orsini (Émilie) et Roy Dupuis (Ovila) en tête. « Ça reste une série à laquelle je suis très attachée, et dont je suis extrêmemen­t fière. Les semaines où on ne m’en parle pas sont assez rares. Chaque fois que ça repasse, les gens l’écoutent », confie Marina Orsini en entrevue.

« Les Filles de Caleb, tu peux le regarder aujourd’hui, et penser que ç’a été tourné il n’y a pas si longtemps, par rapport à la qualité des décors, des costumes, de la réalisatio­n, de la musique, du scénario… C’est une série qui vieillit extrêmemen­t bien », insiste l’actrice, qui avait quand même un peu de métier derrière la cravate lorsqu’elle a endossé les robes longues d’émilie, à l’invitation de Jean Beaudin, qui l’avait déjà dirigée dans L’or et le papier.

Un tournage de 190 jours, une série vendue dans une trentaine de pays à travers le monde, un personnage incarné de l’âge de 18 à 60 ans (si on compte ses scènes dans

Blanche, la suite des Filles de Caleb), un budget d’environ 900 000 $ l’épisode : Marina Orsini sait qu’elle ne revivra pas de sitôt un projet de l’envergure des Filles de Caleb.

« On l’a vécu intensivem­ent, et ç’a été magique. On sentait qu’on portait quelque chose de spécial, d’important. Ce personnage m’a permis de plonger dans plusieurs zones, comme actrice. De la maternité au deuil, à l’amour, la joie, la peine, la colère, la désillusio­n, la déception… C’était un magnifique personnage, un magnifique duo, une magnifique histoire d’amour », relate celle qui conçoit bien « l’impossibil­ité » de la liaison brûlante entre Émilie et Ovila.

« FULGURANT » POUR ROY DUPUIS

« C’est le 18 octobre 1990 que ma vie a changé. Du tout au tout ! Ç’a été assez violent, comme changement », lance Roy Dupuis du tac au tac, lorsqu’on lui rappelle la première date de diffusion des Filles

de Caleb.

Le jeune acteur était dans la mi-vingtaine. Il vivait au carré Saint-louis et n’était essentiell­ement connu que par le milieu du théâtre. Il n’avait complété ses études en jeu que depuis quelques années. Son Ovila Pronovost l’a rapidement familiaris­é avec la reconnaiss­ance populaire.

« Ç’a été assez évident, le lendemain du premier épisode, quand je suis allé chercher mon pain au dépanneur (rires). On avait presque quatre millions de cotes d’écoute ; 80 % de la population du Québec écoutait Les

Filles de Caleb. Ç’a été fulgurant. À partir de là, il a fallu que je vive différemme­nt… »

Le comédien a pourtant failli passer à côté de cette cruciale rencontre profession­nelle. Alors attendu à Paris, par un metteur en scène français qui montait Haute sur

veillance, de Jean Genêt, il s’est néanmoins laissé convaincre par Jean Beaudin de passer une audition pour la série historique.

« J’ai lu les scènes avec Marina. Je n’ai même pas pris le temps d’apprendre les textes. Après, Jean m’a emmené voir le développem­ent technique : les maquettes, les costumes… Je me souviens qu’il m’a dit : “Du théâtre, tu vas pouvoir en faire n’importe quand. Tandis que, ça…” », raconte Roy. Une rangée de « pour » et de « contre » plus tard, la romance Émilie-ovila prenait le pas sur Genêt dans le coeur de Roy Dupuis. « Juste l’écriture était particuliè­re. Elle avait sa musique, sa langue à elle qui n’avaient jamais été racontées de cette façon-là. Fernand Dansereau avait fait un travail remarquabl­e. »

L’ADORABLE JEAN BEAUDIN

Décédé en mai 2019, Jean Beaudin n’aura hélas pu célébrer avec son équipe l’anniversai­re des 30 ans des Filles de Caleb.

Mais le souvenir du cinéaste demeure bien présent dans l’esprit de ses protégés. Tous interviewé­s pour ce reportage, Marina Orsini, Roy Dupuis, Véronique Le Flaguais, Nathalie Mallette et Jessica Barker n’ont que de tendres mots à son égard.

« Jean, je sentais qu’il m’aimait, se remémore Roy Dupuis. C’était évident. À un moment donné, il m’a pogné par le collet et m’a dit : Ça fait 25 ans que j’attends un acteur comme toi ! Ç’a été l’un des plus beaux compliment­s qu’on m’a faits. »

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Marina Orsini (Émilie) et Roy Dupuis (Ovila) dans les rôles qui ont marqué leur carrière respective

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