Des millions pour un ex-député
La firme de l’ancien député libéral Frank Baylis profite des retombées d’un contrat de 237 millions $
Le gouvernement Trudeau a conclu à toute vapeur le printemps dernier un contrat de près d’un quart de milliard de dollars pour acheter à fort prix des ventilateurs médicaux fabriqués par l’entreprise d’un ex-député et organisateur libéral de longue date.
La firme Baylis Médicale, dirigée par Frank Baylis, ex-député libéral de l’ouest de Montréal jusqu’en septembre 2019, agit comme sous-traitante pour produire 10 000 ventilateurs médicaux pour traiter les patients touchés par la COVID-19.
Même si c’est Baylis qui fabrique les ventilateurs, c’est une obscure compagnie, FTI Professional Grade, qui a signé le contrat avec le gouvernement fédéral. Cette dernière, qui n’a qu’une équipe de deux personnes selon son site web, a sous-contracté la fabrication à Baylis.
FTI Professional Grade a été créée seulement sept jours avant d’obtenir le contrat de 237 millions $.
Ce contrat sans appel d’offres a soulevé des questions à Ottawa au cours des dernières semaines. Il n’est pas sans rappeler celui accordé à WE Charity au printemps dernier pour gérer un programme de bénévolat étudiant.
DES QUESTIONS À OTTAWA
Les dirigeants de WE Charity étaient également des proches du premier ministre Justin Trudeau et de plusieurs membres de son gouvernement.
Le contrat a depuis été annulé et se trouve au coeur d’un bras de fer. Les députés conservateurs ont d’ailleurs déposé une motion hier pour créer un comité pour se pencher à nouveau sur ce scandale.
Ils veulent également poser des questions sur d’autres contrats, dont celui octroyé à Baylis.
Fabriqués à Mississauga en Ontario, les ventilateurs, basés sur un modèle identique fabriqué par Medtronic, ont été vendus 23 700 $ l’unité à Ottawa pour une somme totale de 237 millions $.
C’est 10 000 $ de plus que le modèle vendu par Medtronic (voir autre texte)
En mars, alors qu’on craignait de manquer d’équipements médicaux, Justin Trudeau avait lancé un appel urgent aux manufacturiers canadiens pour fabriquer de l’équipement médical.
Un processus de soumission spécial a été mis sur pied par Ottawa.
C’est ainsi que des démarches ont été amorcées par l’organisme Ventilators for Canadians auprès du gouvernement.
Un des membres de ce groupe, Rick Jamieson, est aussi le dirigeant de FTI Professional Grade, qui a décroché le contrat. Jamieson n’a aucune connaissance dans le domaine médical. Il dirige une entreprise de freins pour les voitures.
BAYLIS SE DÉFEND
En entrevue avec le Bureau d’enquête, il a soutenu que c’est son groupe qui avait approché la firme de l’ex-député Frank Baylis pour produire les ventilateurs, en raison de la certification manufacturière médicale qu’elle détenait.
« C’est un partenariat génial. Nous les aidons à trouver toutes les pièces dont ils ont besoin et Baylis dispose d’une excellente expertise en contrôle de qualité », a-t-il commenté.
M. Jamieson n’a pas voulu révéler la somme versée à Baylis Médicale pour la fabrication des appareils.
De son côté, la firme de l’ex-député libéral a affirmé ne pas avoir été impliquée dans le processus d’octroi du contrat.
« Tous les engagements avec le gouvernement ont été menés par FTI Professional Grade, qui est le signataire du contrat avec le gouvernement », indique-t-on par courriel.
Comme M. Jamieson, Baylis Médicale soutient que c’est Ventilators for Canadians qui l’a approchée en vue de produire les appareils, plutôt que le contraire.
Le contact aurait été effectué avec Baylis le 26 mars, et c’est son vice-président, Neil Godara, qui aurait été approché.