Comment battre les Chinoises ?
La consoeur Florence Dancause, ancienne nageuse artistique, a publié un étrange texte hier.
On y vise des coachs, mais on ne donne aucun nom. On parle d’un climat toxique, mais sans nommer personne qui pourrait être la cause de ce climat. Le texte est surtout axé sur les problèmes de poids de Geneviève Peel, ancienne nageuse de bon niveau. C’est évident que cette pointe de l’iceberg cache d’autres difficultés.
Mais qui sont les responsables ? S’agit-il de Julie Sauvé, morte en avril dernier en revenant d’un stage de coaching à Singapour ? Ou bien de
Meng Chen, qui lui a succédé aux commandes de l’équipe nationale olympique après les Jeux de Londres de 2012 ? À temps pour les Jeux de Rio. Le Canada a d’ailleurs raté sa qualification pour les Jeux de 2016.
Ou bien c’est Gabor Szauder, le coach actuel, un Hongrois habitué à la discipline propre aux anciens pays du bloc de l’est.
Ou c’est quelqu’un d’autre ? Pas moyen de le savoir.
SPORT DE COMPÉTITION
C’est complexe comme situation. Il faudrait d’abord faire une distinction très importante entre l’équipe nationale et tout le reste de la pyramide. Je pense qu’en 2020, tout sport de participation devrait être encadré pour que les nouvelles valeurs de la société québécoise soient intégrées.
Autrement dit, tous les coachs devraient enfiler des gants blancs pour passer leur message. On ne peut plus froisser personne et plusieurs diront que c’est très bien ainsi. Certaines sensibilités ne peuvent tolérer les exigences de la compétition.
Mais que faire quand on arrive au niveau olympique ? Ou aux Championnats du monde, quand il faut rivaliser et vaincre les Chinoises, les Russes, les Espagnoles, les Ukrainiennes, les Japonaises, les Américaines, les Brésiliennes et autres grandes athlètes et compétitrices du monde ?
Pensez-vous que les grands coachs chinois ou russes ont les délicatesses de l’encadrement québécois dans le sport ?
Comment on s’y prend pour les battre?
FABULEUSES ATHLÈTES
Vous voulez comprendre de quoi on parle ? Le 31 mars 2010, je m’étais rendu à Pompano pour couvrir le camp d’entraînement des filles de l’équipe nationale du Canada. Lisez bien, vous allez être soufflés. Et vous allez comprendre que rien n’est simple. Le lendemain, j’écrivais donc dans mon journal…
Toutes ont le même objectif. Accumuler les podiums jusqu’aux Jeux olympiques de Londres en 2012. En passant par une Coupe du monde en Chine, une autre à New Delhi, par une tournée au Japon, par les Championnats FINA en Chine en juillet prochain et si possible et nécessaire, en passant sept ou huit mois en Europe avant les Jeux olympiques pour pouvoir se battre contre les grandes équipes européennes.
Ce sont des athlètes très haut de gamme. Leur régime de vie est spartiate. Elles quittent leur hôtel à 6 h, quand il fait encore nuit, et plongent dans la piscine à 6 h 50. Tout de suite après, elles se tapent une heure de musculation suivie d’une série de sprints dans la piscine pour développer force, cardio et endurance. Après, ce sont les figures et les chorégraphies exécutées à un rythme d’enfer. Elles cherchent tellement l’explosion dans les mouvements qu’elles font tourner les pièces musicales 10 % plus vite. Pour accélérer les enchaînements. Pour être les meilleures au monde.
SOUDÉES AU MAX
(…) Elles sont 12 et sont soudées comme pas une équipe ne peut l’être. Le faut. Quand elles y vont d’une performance de cinq minutes dans une Coupe du monde, chaque fille doit mémoriser 1000 gestes. Ça fait 8000 gestes qui doivent être parfaits et exécutés en synchronisme. Si le bras doit être à 45 degrés, il faut qu’il soit huit fois à 45 degrés, à la même fraction de seconde.
C’est féroce comme entraînement parce le sport est féroce. Les pulsations cardiaques de Chloée atteignent 205 pendant une épreuve. Les autres gravitent autour de 190. Elles doivent dépenser une énergie folle sans apport d’oxygène pendant des laps de 35 secondes.
(…) C’est au niveau du concept d’équipe que la différence est encore plus grande. Les filles doivent fusionner. Même allure, même bronzage, même musculation, même abnégation. En nageant, elles se donnent des coups de pied qui laissent des bleus sur les jambes. Elles ne font pas exprès, mais c’est continuel. Il faut continuer à sourire pour les juges et surtout excuser la partenaire.
« Physiquement, il faut qu’on devienne des machines », dit l’une d’entre elles. Et mentalement, elles doivent se discipliner. Elles évoluent dans un sport jugé.
Mais elles sont universitaires, elles ont des familles, elles ont des chums, certaines trouvent le moyen d’avoir un emploi à temps partiel. Comment concilier tout ça ?
(…). Mais ne vous trompez pas, les filles de Julie Sauvé ne se plaignent pas. Elles adorent leur sport, elles adorent leur vie spartiate, elles adorent l’idée d’aller planter les Japonaises, les Russes ou les Américaines à Londres en 2012. Elles adorent en fait cette quête de perfection.
OÙ EST LE JUSTE MILIEU ?
C’était l’équipe nationale il y a
10 ans. Ces jeunes femmes adoraient leur coach. Pourtant, Julie Sauvé était extrêmement dure avec elles. Chose certaine, Julie Sauvé les aimait comme ses filles. Comme les filles se sentaient aimées et respectées, elles acceptaient la discipline de fer et les remontrances de leur coach. C’est probablement le vrai problème que tentent de dénoncer les anciennes nageuses synchro. Pour accepter de se faire pousser jusqu’à leurs extrêmes limites, pour se défoncer à l’entraînement, pour tout sacrifier pour un idéal sportif, faut être respectées et aimées. Même au niveau olympique. Si trop de filles n’ont pas senti ce respect et cet amour, exigence des compétitions internationales ou pas, faut donner un coup de barre. Un vrai. Dans toute la pyramide sans doute. Mais même au sommet.
Parce qu’on est en 2020.