Le Journal de Quebec

Une culture qui ne date pas d’hier

- RICHARD BOUTIN

Membre de la formation nationale de 2009 à 2017 et capitaine de l’équipe au cours des années menant aux sélections olympiques de 2016, Marie-lou Morin dénonce la culture qui prévaut dans son sport depuis quatre ans déjà.

La diversité corporelle est un sujet tabou dans la natation artistique, et Morin peut en témoigner.

« Dès mon arrivée, on me parlait de mon poids, et je devais me peser régulièrem­ent », a déploré celle qui était au coeur du documentai­re Parfaites, diffusé en 2016. « On a commencé à me casser tôt. On n’était pas jugées sur notre talent, mais sur notre physique et le côté esthétique. Ça devient une obsession et c’est malsain. On me comparait aux autres filles en me disant qu’elles étaient belles et minces. On me parlait de mon ventre et on me disait que je mangeais trop de bonbons. On ne me parlait pas de mes performanc­es, mais seulement de mon poids. »

QUE LES RÉSULTATS QUI COMPTENT

« J’ai développé un trouble alimentair­e », poursuit l’entraîneus­e de l’équipe nationale chez les 13-15 ans de la Nouvelle-zélande. « Je n’étais pas la seule, mais personne n’en parlait. Parce que ta perception est perturbée quand tu es au Centre national et que tu crois que c’est la normalité, tu continues et endures. En fin de carrière, j’ai voulu aider [les membres de] la prochaine génération en leur révélant mes problèmes et en leur disant que ce n’était pas normal d’accepter de faire certaines choses. Ma relation avec la nourriture était débile, et je suis allée chercher de l’aide après ma carrière parce que je ne pouvais pas continuer ainsi. »

Si elle n’excuse pas les comporteme­nts des entraîneur­s-chefs, Morin estime qu’ils sont mal outillés. « L’entraîneur-chef est à l’avant-plan et il a beaucoup de pression de la Fédération, explique-t-elle. Quand nous ne nous sommes pas qualifiées pour les Jeux de 2016, des commandita­ires se sont retirés. Quel message envoie-t-on ? On s’était entraînées comme des déchaînées, mais les dirigeants ne pensaient qu’aux résultats et ne voulaient rien savoir des raisons qui avaient mené à cet échec. »

« C’est un couteau à double tranchant, poursuit Morin. Il n’y a aucune excuse pour justifier la façon dont les athlètes sont traités, mais il y a un gros nuage au-dessus du coach. Les entraîneur­s n’ont pas les ressources psychologi­ques nécessaire­s pour parler des problèmes et trouver des solutions. Avec la pression et le pouvoir, l’interrupte­ur change. Meng Chen a changé au fil des ans. Elle me disait qu’elle n’était plus elle-même après quatre ans. C’était encore pire en 2017 quand Leslie Proule est arrivée. Tu ne dois jamais dévalorise­r un athlète en raison de l’esthétique ou des résultats. »

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