Le Journal de Quebec

IL Y A 25 ANS, LA GRANDE DÉBÂCLE

Serge Savard demeure convaincu qu’il était sur le point d’amener une autre coupe Stanley à Montréal

- Jonathan Bernier l Jbernierjd­m

« Déjà 25 ans. Peux-tu t’imaginer qu’il s’est écoulé presque autant d’années depuis que j’ai été congédié que les 26 saisons que j’ai passées avec le Canadien ? »

Au bout du fil, Serge Savard n’en revient pas à quel point le temps passe vite. Il vient à peine de ranger ses bâtons de golf lorsque Le Journal le joint à Hilton Head, en Caroline du Sud, là où il vit pratiqueme­nt à longueur d’année.

Il y a un quart de siècle, le 21 octobre 1995, Ronald Corey annonçait la nomination de Réjean Houle au poste de directeur général du Canadien et Mario Tremblay, à celui d’entraîneur-chef.

Quatre jours plus tôt, le président du Canadien avait fait maison nette en démettant de leur fonction, entre autres, Savard et Jacques Demers.

« Mon congédieme­nt m’a surpris. Pour le reste, c’est correct. Ronald a pensé qu’il ferait mieux en apportant des changement­s. On dirait bien qu’il s’est trompé », martèle l’homme de 74 ans.

À UN JOUEUR PRÈS

Vingt-cinq ans plus tard, Savard demeure ferme. Il est encore persuadé que le jour de son congédieme­nt, il était à un seul joueur de pouvoir mener le Tricolore à sa 25e coupe Stanley.

« C’est certain que j’aurais fait un échange en cours de saison pour aller chercher ce joueur », lance Savard avec confiance.

Force est d’admettre que c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Le Canadien est alors entré dans la période la plus sombre de son histoire.

Si on se fie à la transactio­n qu’il était sur le point de conclure avec Pierre Lacroix, son homologue de l’avalanche du Colorado, ce joueur manquant se nommait Owen Nolan.

Alors âgé de 23 ans, l’attaquant venait de connaître trois saisons d’au moins 30 buts. Il allait en connaître trois autres, dont une de 44 buts.

OPÉRATION DE DÉMANTÈLEM­ENT

Nolan se serait amené avec le Canadien, en compagnie de Stéphane Fiset, en retour de Patrick Roy. On connaît l’histoire. Roy a bel et bien pris le chemin du Colorado. Mais la transactio­n concoctée par Réjean Houle n’avait rien à voir avec celle qu’avait prévue Savard.

« Aucun de ces joueurs-là n’était impliqué dans les pourparler­s que j’avais eus, soutient Savard, faisant allusion à Jocelyn Thibault, Martin Rucinsky et Andrei Kovalenko. Jamais, jamais, jamais je n’aurais laissé partir Mike Keane. » Cette transactio­n n’est pas la seule qui a fait sursauter le dernier directeur général du Canadien à avoir remporté la coupe Stanley.

« Keane est parti, puis Lyle Odelein. C’était le caractère de l’équipe qui s’en allait. »

Ensuite, ce fut au tour de Pierre Turgeon, devenu capitaine de l’équipe, de plier bagage.

« Je n’étais plus là, mais ça me faisait mal au coeur de voir ça. Pierre Turgeon, c’était la belle transactio­n que j’avais faite avec les Islanders de New York. Avec Pierre, j’avais amené le grand Russe, (Vladimir) Malakhov, à la défense », rappelle le Sénateur.

« LA DÉBANDADE »

Semblant souvent pris au dépourvu, Houle a également ramené Stéphane Richer et Shayne Corson, deux joueurs que Savard avait cru bon d’envoyer sous d’autres cieux au cours des saisons précédente­s.

« Je les avais échangés parce que je croyais que ces joueurs-là avaient ralenti. Je voulais rajeunir l’équipe et lui donner un nouveau souffle. Pis eux, ils sont allés les rechercher », se désole-t-il.

« Après, ça a un peu été la débandade », prend-il soin d’ajouter.

Un coup d’oeil à la liste des principale­s transactio­ns réalisées par Houle au cours de son mandat de cinq ans tend à donner raison à son prédécesse­ur. Houle ne semble pas être sortie souvent gagnant de ces trocs.

« RONALD [COREY] A PENSÉ QU’IL FERAIT MIEUX EN APPORTANT DES CHANGEMENT­S. ON DIRAIT BIEN QU’IL S’EST TROMPÉ. »

– Serge Savard

« Quand tu fais un échange, le but c’est d’améliorer ton équipe. Parfois, tu peux te tromper, reconnaît Savard. Aujourd’hui, des équipes doivent se débarrasse­r de bons joueurs en raison du plafond salarial. À mon époque, ce n’était pas le cas. Quand un bon joueur changeait d’équipe, tu te demandais s’il avait un défaut. Pourquoi l’autre DG voulait-il s’en débarrasse­r ? »

TRAVAILLER EN GROUPE

Les autres directeurs généraux ont-ils profité de l’inexpérien­ce de Houle pour lui en passer quelques « vites » ?

« Je ne sais pas. J’ignore comment se faisaient ces transactio­ns. Est-ce que c’était en groupe ? Quand tu t’approches d’une transactio­n, tu parles à ton groupe. Moi, par exemple, j’avais Carol Vadnais qui s’occupait du scouting profession­nel. »

Savard raconte que, chaque fois qu’il préparait une transactio­n d’envergure, Vadnais épiait le joueur convoité pendant plusieurs semaines.

C’est de cette façon qu’il avait pu obtenir Turgeon dans une transactio­n impliquant Kirk Muller, un autre attaquant qui avait donné ses meilleures années au Canadien.

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PHOTO D’ARCHIVES Le 21 octobre 1995, Réjean Houle et Mario Tremblay devenaient respective­ment directeur général et entraîneur-chef du Canadien.

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