Mère condamnée par la pandémie
Son cancer aurait pu être diagnostiqué plus tôt
Une mère monoparentale de six enfants en phase terminale est persuadée que son cancer généralisé aurait été diagnostiqué plus tôt sans la COVID-19.
« Je vis au jour le jour… Mais si je suis en soins palliatifs, c’est parce que ça ne va pas bien », admet Caroline Vallée, 39 ans, qui ignore combien de temps précisément il lui reste à vivre.
Pour son anniversaire la semaine dernière, elle n’avait qu’un souhait : passer le plus de temps possible avec ses enfants, âgés de 10 mois à 22 ans, avant que son cancer généralisé ne l’emporte.
« Quand ils retournent chez ma soeur le dimanche, ils me font un gros câlin, d’un coup qu’on ne se voit plus jamais », souffle-t-elle.
La « maman de carrière » n’a plus la capacité de s’occuper d’eux toute seule en raison de la maladie qui s’est d’abord manifestée sous la forme d’un cancer invasif du col de l’utérus en octobre 2019, pendant sa grossesse.
Deux de ses enfants vivent chez sa soeur à Montréal pendant la semaine et deux autres ont déjà quitté le nid familial. Sa mère l’aide avec les plus petits.
« Je suis tellement faible que je n’ai même pas la force de prendre mon bébé », dit-elle en éclatant en sanglots.
UNE RÉCIDIVE QUI NE PARDONNE PAS
À la fin février, elle respirait un peu mieux parce que sa tumeur s’était résorbée.
Mais le 12 mars, au début de la crise sanitaire, sa médecin l’a examinée « en vitesse », selon ses souvenirs, en plus de lui faire passer quelques tests, à la demande d’une gynécologue qui s’inquiétait de la voir si mal en point.
Son rendez-vous de suivi, prévu deux semaines plus tard, a été annulé en raison de cette consultation devancée. Puis, pas de nouvelles de ses résultats pendant trois mois, soutient Mme Vallée.
La malade aurait laissé de nombreux messages à son infirmière pivot après avoir découvert de nouvelles bosses sur son corps, sans succès.
Le Centre hospitalier de l’université de Montréal (CHUM), où elle est traitée, n’est pas en mesure de confirmer cette information en raison de la confidentialité des dossiers médicaux. Toutefois, il atteste que le rendez-vous de suivi a bel et bien été annulé à cause de la consultation devancée.
« Je suis passée entre les craques », laisse tomber Mme Vallée, qui pointe du doigt le chaos engendré par le coronavirus dans nos hôpitaux.
En désespoir de cause, la mère s’est présentée à l’urgence le 8 juin pour des douleurs insoutenables, et ses suivis ont repris. Son diagnostic fatal est tombé en août. Le cancer était maintenant généralisé.
Sa radiothérapeute lui aurait dit que, sans la COVID-19, ses traitements auraient commencé bien avant que son état se dégrade autant.
« Elle s’est même excusée », se rappellet-elle avec un pincement au coeur.
70 % DES RENDEZ-VOUS REPORTÉS
Au CHUM, environ 70 % des rendez-vous en oncologie ont été déplacés en télémédecine pendant la pandémie et seuls quelques rendez-vous de suivi à long terme ont été annulés, précise la conseillère en communications, Lucie Dufresne.
« Notre objectif était et est encore aujourd’hui d’assurer la meilleure prise en charge possible tout en diminuant au maximum le risque pour les patients dont la condition de santé est déjà fragilisée d’être exposés au virus. »
L’AVENIR DE SES ENFANTS
Caroline Vallée reçoit en ce moment des soins palliatifs à son domicile, à Laval.
Dans l’immédiat, elle cherche un fauteuil roulant électrique et un logement adapté à Montréal qui lui permettrait de se rapprocher de ses enfants et du CHUM.
Mais elle s’inquiète surtout pour l’avenir de Nathan, 22 ans, Delphine, 18 ans, Meggane, 15 ans, Mila Rose, 8 ans, Manolo, 4 ans, et d’alix, 10 mois, qui seront orphelins de mère sous peu.
Les quatre plus jeunes devraient être confiés à sa soeur après sa mort pour ne pas être séparés.
Une campagne de sociofinancement sur le site web Gofundme, avec un objectif de 150 000 $, a été créée pour venir en aide aux enfants après le départ de leur maman.