Le Journal de Quebec

Peut-on enseigner librement en terre française d’islam ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

La querelle n’est pas neuve, mais mérite qu’on y revienne, d’autant qu’on en reparle beaucoup ces jours-ci.

En 2004, Jean-pierre Obin, qui était inspecteur général de l’éducation nationale en France, avait rédigé un rapport explosif à propos de la difficulté croissante d’enseigner dans les territoire­s islamisés de la France.

Obin donnait quelques exemples.

AUTOCENSUR­E

Dans certaines classes, il n’était plus possible d’enseigner l’histoire des cathédrale­s et des croisades. Les jeunes issus de l’immigratio­n y voyaient une offense contre l’islam. Cet enseigneme­nt les insultait. Et les professeur­s comprenaie­nt qu’il valait mieux éviter ce terrain. L’autocensur­e devenait la norme.

Dans d’autres classes, l’enseigneme­nt de la biologie de la mécanique de la reproducti­on sexuelle était rendu compliqué par certains élèves particuliè­rement pudibonds. Alors pour éviter les soucis, certains enseignant­s préféraien­t laisser de côté une partie de la matière. Entre la conception du corps portée par la civilisati­on française et celle portée par un certain islam, il y avait contradict­ion. Naturellem­ent, c’est la France qui pliait chez elle.

On avait aussi retenu que l’enseigneme­nt de la Shoah était de plus en plus difficile en ces quartiers islamisés. Pour certains jeunes, la Shoah était un mensonge ! Pour d’autres, le rappel de la Shoah consistait à accorder un privilège à la souffrance des Juifs et l’enseigner relevait d’une forme de discrimina­tion positive à leur endroit.

Tout cela n’annonçait rien de bon. On l’a constaté en 2015 quand dans de nombreux lycées, plusieurs « jeunes » refusèrent la minute de silence pour les journalist­es de Charlie Hebdo, victimes d’un attentat islamiste. Ces journalist­es avaient transgress­é le tabou des tabous en caricatura­nt Mahomet, et ils devaient payer pour leur audace. À tout le moins, ils ne méritaient pas la moindre larme.

En d’autres mots, devant une jeunesse se réclamant d’une autre mémoire que la mémoire nationale et occidental­e, et surchargea­nt symbolique­ment certains mots et certains enseigneme­nts, il devenait de plus en plus difficile d’enseigner librement, de transmettr­e un savoir, de transmettr­e des connaissan­ces, sans verser dans l’offense.

Ces jeunes ne voulaient pas entendre ces propos qui les vexaient. Probableme­nt y voyaient-ils autant de micro-agressions ?

La situation était connue. Les rapports et les livres pour la dénoncer se sont multipliés au fil des ans. De temps en temps, la classe politique et les médias dénonçaien­t cette situation inacceptab­le. Puis la situation continuait de pourrir à l’abri des projecteur­s.

INIMAGINAB­LE

Et ceux qui rappelaien­t la gravité de la situation étaient traités de polémistes alarmistes, peut-être racistes, et de complices de l’extrême droite. On les accusait de diviser la société, de stigmatise­r les minorités.

Puis l’attentat de Conflans-sainte-Honorine a obligé la France à constater que le réel ne disparaît pas même si on ne le regarde plus.

Heureuseme­nt, tout cela est impossible chez nous. Peut-on imaginer des jeunes décider de la matière qu’on leur enseigne, et pousser à la censure les professeur­s qui transgress­ent leurs tabous ? Non, c’est inimaginab­le.

N’est-ce pas ?

La situation française dégénérait depuis longtemps.

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Jean-pierre Obin

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