Il y a 30 ans, Céline refusait son Félix
Elle semait l’émoi au gala de L’ADISQ en refusant le prix de l’artiste anglophone de l’année
En 1990, Céline Dion changeait le visage du gala de L’ADISQ en refusant le trophée de l’artiste anglophone de l’année. Trente ans plus tard, cette sortie demeure un classique. Ce qu’on a toutefois oublié, c’est la polémique qu’elle a déclenchée au Canada anglais.
Survenu le 21 octobre 1990 à Montréal, cet événement a marqué les esprits, et pas seulement à cause du pétaradant « C’est Céliiiiiine ! » lancé par Claudette Dion en ouvrant l’enveloppe.
Tout le monde se souvient du fameux « Je peux pas accepter ce trophée-là » de Céline Dion, qui venait d’amorcer sa carrière en anglais en lançant l’album Unison.
Le lendemain, la star, alors âgée de 22 ans, faisait la manchette. Et l’année suivante, L’ADISQ modifiait le nom du trophée: « Artiste québécois s’étant le plus illustré dans une autre langue qu’en français ».
Sur scène au moment des événements, puisqu’il présentait le prix avec Claudette
Dion, le rockeur Rick Hughes se souvient du choc qui a suivi ce coup d’éclat, mais surtout, du comportement élégant de Céline Dion en coulisses immédiatement après.
« Tout le monde s’est garroché sur elle. Mais quand elle m’a vu du coin de l’oeil, elle est venue me voir et m’a dit : “Je m’excuse sincèrement de t’avoir mis dans cette situation.” Je lui ai répondu que je l’appuyais à 100 %. »
Dans un message transmis au Journal, Claudette Dion rapporte qu’elle avait été invitée par L’ADISQ en guise de surprise pour Céline Dion et René Angélil. « J’ai trouvé Céline inébranlable et courageuse comme toujours », nous écrit-elle.
TENSIONS LINGUISTIQUES
L’incident a fait couler beaucoup d’encre au Québec francophone, mais jamais autant que dans le ROC ( Rest of Canada), comme l’explique un article du Canadian Journal of Communication paru en 1999. Selon l’auteur, le docteur en sociologie David Young, une portion du discours de Céline Dion a dérangé : quand elle a déclaré qu’elle était québécoise, après avoir souligné qu’elle n’était pas anglophone.
« Les anglophones d’ici l’ont mal pris, résume l’animateur Mike Gauthier. Ça a brassé. »
Du Globe and Mail au Toronto Star, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre au pays.
Journaliste au Montreal Gazette, Brendan Kelly qualifie la réaction des médias anglophones de « féroce » et d’« énorme ». « À cette époque, les tensions linguistiques entre francos et anglos étaient beaucoup plus fortes qu’aujourd’hui. Le discours de Céline faisait ressortir l’idée qu’être québécois, c’était être francophone. Les anglophones se sont sentis exclus. »
« C’est une erreur de phrasé, poursuit Brendan Kelly. Je suis sûr que Céline n’a jamais voulu être méprisante. »
Cette année, les finalistes au prix de l’artiste ayant le plus rayonné hors Québec sont Corridor, Elisapie, Hubert Lenoir, Loud, Alexandra Stréliski et Patrick Watson.