Le Journal de Quebec

La COVID peut-elle justifier ce contrat de 23 M$ ?

Un appel d’offres aurait pu faire économiser jusqu’à 9 M$

- JEAN-NICOLAS BLANCHET

L’urgence sanitaire a le dos large pour justifier un contrat informatiq­ue de 23 M$ sans appel d’offres du ministère de la Santé à la firme Deloitte pour le dépistage de la COVID-19. Québec aurait payé jusqu’à 9 M$ de moins en s’ouvrant à la concurrenc­e ou en faisant comme l’ontario, qui a utilisé un logiciel gratuit.

Le contrat vise « l’optimisati­on du processus de dépistage et de traçage » pour 12,4 M$ sur un an, avec la possibilit­é de renouveler deux autres années pour 10,6 M$ de plus.

Tout ça sans appel d’offres, ce que l’urgence sanitaire permet au gouverneme­nt.

C’est la solution « qui répond le mieux aux besoins du Québec », a indiqué le ministère, qui a annoncé l’entente par communiqué, hier, après avoir refusé de répondre à toutes nos questions la veille.

ENFIN PAR COURRIEL OU TEXTO

Le ministère souligne que la solution permettra notamment de réduire le temps d’attente pour le dépistage et de divulguer plus rapidement les résultats.

Il est aussi enfin prévu que les résultats des tests seront communiqué­s par courriel ou texto. Même si c’est Deloitte qui a obtenu le contrat, la solution payée par Québec est plutôt celle de l’entreprise Salesforce, a-t-on appris. Deloitte ne fait que revendre au gouverneme­nt un logiciel de Salesforce et s’assurera de fournir, sur le terrain, des services-conseils pour l’applicatio­n et l’intégratio­n du logiciel.

Sans urgence sanitaire, ce contrat ne tiendrait jamais la route et n’aurait jamais vu le jour en raison de l’absence de saine concurrenc­e.

Jamais le gouverneme­nt ne peut cibler un seul logiciel et encore moins un seul revendeur.

Plusieurs entreprise­s auraient pu obtenir le contrat en revendant le logiciel de Salesforce. Et plusieurs entreprise­s auraient aussi pu tenter d’obtenir le contrat avec un autre logiciel qui peut aussi répondre au besoin.

LOGICIEL LIBRE EN ONTARIO

L’ontario, par exemple, a choisi une solution libre de droits, donc gratuite.

Celle-ci n’est pas aussi complète que celle que Québec s’achète. Mais il aurait été « facile » de la rendre aussi complète, et ce, à moindre coût, selon une source proche des responsabl­es de la solution ontarienne.

Au Québec, plusieurs entreprise­s sont en colère. Avec les scandales informatiq­ues des dernières années, des compagnies essaient de laver plus blanc que blanc, nous expliquet-on. Et de voir le gouverneme­nt agir ainsi en invoquant l’urgence sanitaire, ça ne passe pas.

« OK, c’est l’urgence, mais ça ne justifie pas de donner 23 M$ sans tester le marché! Ça aurait pris combien de temps négocier avec d’autres entreprise­s? Deux jours? » s’est insurgé le représenta­nt d’une entreprise dans le milieu.

Selon tous les acteurs dans ce domaine avec qui Le Journal s’est entretenu, Québec aurait payé entre 4,6 et 9,1 M$ de moins en ouvrant la concurrenc­e pour ce contrat.

Ne pas faire d’appel d’offres soulève aussi des interrogat­ions quant au rôle d’un haut fonctionna­ire dans ce contrat. Jean Maitre, sous-ministre adjoint à la Santé, a été directeur principal chez Deloitte de 1998 à 2003, selon son compte Linkedin.

Questionné sur le rôle de Jean Maitre dans ce contrat, le ministère de la Santé n’a pas voulu commenter.

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PHOTO D’ARCHIVES DIDIER DEBUSSCHÈR­E La solution implantée par Deloitte sera utilisée dans toutes les cliniques de dépistage du Québec. Elle permettra notamment de réduire les temps d’attente et divulguer plus rapidement les résultats des tests.

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