Le Journal de Quebec

ENDURANCE ET PERSÉVÉRAN­CE ULTIMES

Stéphanie Simpson a couru 288,3kilomètre­s dans la folle é pre u ve du big Dog’s backyard Ultra

- François-david Rouleau Fdrouleauj­dm

Certaines voix dans l’univers de la course à pied osent appeler cette épreuve une « course à la mort ». Stéphanie Simpson croit plutôt que le Big Dog’s Backyard Ultra est une épreuve extrême d’endurance physique. La sienne s’est arrêtée bien malgré elle après 43 heures et 288,3 kilomètres au compteur.

C’était tard dans la nuit de dimanche à lundi dernier, à Kelowna en Colombie-britanniqu­e. La Québécoise de 34 ans a complété le 43e et dernier tour de l’équipe canadienne au bout de près de 44 heures de course à intervalle­s.

Pandémie de COVID-19 oblige, l’annuel Big Dog’s Backyard Ultra a pris des allures différente­s en 2020. Plutôt que d’être couru sur l’habituel tracé de 6,7 km au Tennessee, 21 équipes internatio­nales comptant chacune 15 coureurs ont bouffé les kilomètres dans leur pays respectif.

Le principe de cette folle course est relativeme­nt simple. Chaque heure, les coureurs doivent faire une boucle et être de retour en position sur la ligne de départ pour le tour suivant une heure plus tard. Le dernier qui réussit à tenir debout est couronné champion. Mais au bout de combien de temps ? On calcule en jours...

CHAMPIONNE CANADIENNE

Malgré la présence des Matt Shepard et Dave Proctor, deux têtes d’affiche canadienne­s, c’est Stéphanie Simpson qui a tiré le Canada sur la troisième marche du podium.

Elle a englouti 288,3 km, l’équivalent de sept marathons en exactement 34 h 40 min 51 s. Ses 43 tours lui ont permis d’arriver au cinquième rang chez les femmes et de terminer au 21e rang mondial parmi les 300 coureurs inscrits.

Un véritable exploit pour celle que l’équipe canadienne a recrutée au dernier instant. Et à en croire ses propos, son réservoir n’était pas à sec. Elle aurait pu continuer à courir, mais la règle cette année ne permettait pas à un athlète de courir seul. Quand Shepard, son dernier compatriot­e, a abdiqué au 42e tour, la dernière Canadienne à tenir debout ne pouvait aller plus loin que le 43e.

« Matt est un bon coureur, mais je crois qu’il n’était mentalemen­t plus là, a relaté Simpson en entrevue avec Le Journal de

Montréal à son retour au Québec. À partir du 38e tour, c’est là que le déclic s’est fait dans ma tête. Je voulais me rendre à 40 et quand j’ai terminé, je me sentais à l’aise pour continuer 10 ou 15 heures.

« C’est une course très mentale, ce qui est ma grande force, a poursuivi cette courtière hypothécai­re de Montréal native de Québec. C’est dans ma personnali­té. Si je peux le faire, rien ne m’arrête. Ça m’en prend beaucoup pour me déstabilis­er. Le corps s’adapte. Le mien s’est habitué à des choses débiles. »

SUPPLICE

Simpson se souviendra longtemps de ces sons de cloche avertissan­t les dernières minutes avant le départ de chaque tour.

« C’est comme le supplice de la goutte d’eau. Pour moi, ce n’était pas une course à la mort, c’était la capacité d’endurer à répétition toute l’épreuve. Les mêmes cloches, les mêmes coups de sifflet et les mêmes tours chaque heure. »

De quoi rendre fou. Simpson a même eu des hallucinat­ions après une trentaine d’heures. Attaques canines, animaux sauvages, mirages montagneux ou bateau pirate, son imaginatio­n l’a souvent trompée. Surtout en pleine nuit.

« La grande difficulté de cette course, c’est de tenir mentalemen­t le coup, enchaîne celle qui était considérée comme une négligée. Quand on croit qu’on n’est plus capable, que la fatigue s’est installée après plus de 30 heures sans dormir, il peut encore rester du jus, mais le processus décisionne­l est affecté et ardu. »

C’est en répétant sans cesse son principe motivateur « un tour de plus » qu’elle est parvenue à réaliser ce qu’elle ne croyait jamais être en mesure de faire.

Simpson s’était pointée à Kelowna la semaine dernière pour ajouter de la profondeur à l’équipe canadienne. Elle souhaitait y apporter une modeste contributi­on. Toujours debout après 35 tours alors qu’elle apercevait les grosses pointures tombées au combat au fil des heures, elle représenta­it la dynamo du Canada face aux États-unis, la Belgique, la Suède et la France.

TOUJOURS PLUS LOIN

« Je voyais que je pouvais me rendre loin et on me disait que je pouvais gagner. Quand on pense qu’on n’est plus capable, on peut encore. Il faut savoir jusqu’à quel point on peut se rendre. J’aurais souhaité connaître ma limite. Mais je ne m’attendais surtout pas à me rendre jusqu’au 43e tour. »

Le vainqueur de l’épreuve, le Belge Sabbe Karel, a réalisé un record avec ses 75 tours et 502,9 km grugés en un chrono absolu de 57 h 40 min 20 s. Il a terminé sa course près de trois jours après l’heure du départ, samedi matin dernier, sur le coup de 6 h 30. La championne canadienne était à bord de son vol de retour, à l’approche de Montréal.

Selon elle, cet exploit pourrait lui ouvrir les portes d’autres épreuves d’endurance à travers le monde, dont la course finale du Big Dog’s Backyard Ultra l’an prochain au Tennessee sans avoir à s’y qualifier. Elle pourra ainsi se mesurer aux plus durs coureurs de la discipline sur la planète.

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PHOTOS BEN PELOSSE Stéphanie Simpson a réalisé une performanc­e hors du commun au Big Dog’s Backyard Ultra.
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