Le Journal de Quebec

Un Québec distinct encore longtemps ?

- DENISE BOMBARDIER

Encore, mais pour combien de temps ?

Cette réalité qui dure depuis plus de trois siècles et demi, René Lévesque la décrivait dans Option Québec : « Au coeur de notre personnali­té se trouve le fait que nous parlons français. Tout le reste en découle et nous y ramène infaillibl­ement. »

Cette démonstrat­ion de notre différence culturelle a encore éclaté ces derniers jours. Deux visions s’opposent quant à la censure que les militants racisés et tous ceux qui les appuient exigent dans l’usage du mot « nègre ».

Les anglophone­s du Canada tout entier adhèrent à la notion de racisme systémique, une position idéologiqu­e, et une majorité de francophon­es au Québec tout en reconnaiss­ant l’existence du racisme rejettent l’épithète « systémique ».

VISIONS OPPOSÉES

Le Québec défend une vision du racisme qui se compare davantage à l’esprit français qu’à celui des Anglo-saxons. Le racisme systémique est une position politique inscrite dans la vision multicultu­raliste canadienne par opposition au nationalis­me québécois, qui s’affiche désormais aussi comme laïque.

Dans les débats très passionnel­s actuels, on retrouve le vieil antagonism­e anglais français. Tout le Québec officiel dénonce la censure et affirme la primauté de la liberté académique. Ses adversaire­s anti-nationalis­tes francophon­es, anglophone­s et allophones confortent leur perception caricatura­le historique, à savoir que les Québécois étaient, mais demeurent des racistes à l’endroit des immigrants en général.

Ceux qui n’ont plus de mémoire ont oublié un des traits les plus détestable­s de Pierre Elliott Trudeau, c’est-à-dire son mépris pour les Québécois « un dégueulass­e peuple de maîtres chanteurs » qu’il estimait trop mal équipés intellectu­ellement pour être qualifiés de vrais démocrates.

Les militants racisés ne semblent pas comprendre que le mot « nègre » en français a été sacralisé en quelque sorte par des écrivains francophon­es. Aimé Césaire est considéré comme le père de la négritude, un courant littéraire incontourn­able que ma génération a étudié et encensé. De même que les écrits de Léopold Senghor et de René Depestre, les chantres et les guides intellectu­els de génération­s de jeunes Blancs ou Noirs.

LUTTE IDÉOLOGIQU­E

Les militants racisés, tout en dénonçant maintenant Dany Laferrière ou Alain Mabanckou, accablent les « Blancs » intellectu­els québécois qui ne font pas de génuflexio­n devant eux. Ils triomphent sur les tribunes où ils flagellent à gauche comme à droite les Blancs qui refusent de se sentir coupables des ignominies que les esclavagis­tes et les colonialis­tes leur ont fait subir. En un sens, aucun Blanc ne trouve grâce à leurs yeux de même que les Noirs qui ne partagent pas leur vision.

Le combat actuel risque de s’éterniser et de s’enliser si des gens de bonne volonté ne freinent pas la dérive possible des mots et des gestes.

Hélas, Louise Arbour, ex-juge de la Cour suprême, refuse l’argument des Québécois qui dénoncent les concepts américains et canadiens-anglais plaqués sur notre culture. « Ce genre de nombrilism­e est incompatib­le avec l’ouverture nécessaire au foisonneme­nt des idées et à l’évolution d’une culture », écrit-elle dans Le Devoir d’hier.

Il faut donc en conclure qu’aux yeux de l’éminente juriste, les Québécois qui s’opposent au concept de racisme systémique sont de dangereux ennemis du Canada multicultu­rel et des antidémocr­ates.

En réponse à la question du début de cette chronique, pas pour longtemps !

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La tension monte dangereuse­ment.
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DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure

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