Le Journal de Quebec

Les accusation­s liées au proxénétis­me ont quadruplé

Les policiers ont raffiné leurs techniques pour augmenter leurs chances de succès

- MICHAËL NGUYEN

La chasse aux proxénètes porte fruit; depuis 2015 le nombre d’accusation­s contre des individus qui profitent de jeunes femmes pour se remplir les poches a plus que quadruplé au Québec, selon des données obtenues par Le Journal.

« Même avec la pandémie, on voit beaucoup d’arrestatio­ns de pimps. Et avec des dossiers souvent béton. On sent que c’est tolérance zéro », note Vicky Powell, une avocate de la défense qui voit au moins un cas du genre atterrir sur son bureau chaque mois.

Des statistiqu­es du Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) illustrent bien cette tendance.

De 103 en 2015, les accusation­s liées au proxénétis­me ont grimpé à 428 en 2019. Pour la première moitié de 2020, ce nombre atteignait 217.

Me Powell dit aussi avoir remarqué que les enquêteurs ont affûté leurs techniques pour coincer les souteneurs.

« Avant, c’était souvent la parole de l’une contre l’autre, dit-elle. Maintenant, il y a les textos, les conversati­ons sur les réseaux sociaux, l’historique de navigation de l’accusé, et les annonces mises en ligne. Il y a même des cas qui impliquent des agents doubles. »

DE LOURDES SENTENCES

Dans les derniers mois seulement, une douzaine de vautours ont d’ailleurs écopé de lourdes sentences.

« C’est le résultat d’un travail de concertati­on avec tous les intervenan­ts, se réjouit la sergente Geneviève Major, de la police de Laval. On commence à voir les résultats. »

Ce changement coïncide notamment avec la création par la Sécurité publique de l’équipe intégrée de lutte contre le proxénétis­me et avec la diffusion de nombreux reportages sur les jeunes femmes des centres jeunesse qui sont exploitées.

« Les fugueuses, ça ne date pas de 2017, mais ça a permis de lever un voile sur un tabou, croit la criminolog­ue Maria Mourani. La médiatisat­ion [des cas] a joué un rôle dans la prise de conscience de la société. Les gens en ont assez. »

Une prostituée n’est plus vue comme une « fille qui aime ça », souligne-t-elle, mais plutôt comme une personne qui peut être victime, et qui doit être soutenue par tous les intervenan­ts.

Cette évolution des mentalités a donné lieu à des changement­s législatif­s qui ont permis de mieux traquer les proxénètes. Les policiers semblent également mieux formés pour déceler les cas suspects.

AU TOUR DES CLIENTS

Par exemple, un patrouille­ur qui pense qu’une femme se plaignant de violence conjugale pourrait être sous le joug d’un souteneur n’hésite plus à appeler l’escouade spécialisé­e.

« Systématiq­uement, cette équipe prend en charge le dossier, indique le criminalis­te Serge Lamontagne. Les méthodes se sont raffinées, on sent qu’il y a une volonté que les dossiers aboutissen­t. Et les sentences sont assez solides, ça reflète la réprobatio­n de la société pour ce type de crime. »

Mais même si la lutte au proxénétis­me est sur la bonne voie, il ne faut pas qu’il y ait de relâchemen­t, s’accordent à dire les experts.

« Et il faut que la police s’attaque désormais encore plus aux clients qui bénéficien­t de la marchandis­ation des femmes », insiste Maria Mourani.

 ?? PHOTO COURTOISIE CANAL D ?? L’arrestatio­n par la police de Longueuil d’individus liés au proxénétis­me avait été enregistré­e par une équipe de télévision de la chaîne Canal D, l’année dernière, dans le cadre du tournage d’un documentai­re sur le sujet.
PHOTO COURTOISIE CANAL D L’arrestatio­n par la police de Longueuil d’individus liés au proxénétis­me avait été enregistré­e par une équipe de télévision de la chaîne Canal D, l’année dernière, dans le cadre du tournage d’un documentai­re sur le sujet.

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