Les accusations liées au proxénétisme ont quadruplé
Les policiers ont raffiné leurs techniques pour augmenter leurs chances de succès
La chasse aux proxénètes porte fruit; depuis 2015 le nombre d’accusations contre des individus qui profitent de jeunes femmes pour se remplir les poches a plus que quadruplé au Québec, selon des données obtenues par Le Journal.
« Même avec la pandémie, on voit beaucoup d’arrestations de pimps. Et avec des dossiers souvent béton. On sent que c’est tolérance zéro », note Vicky Powell, une avocate de la défense qui voit au moins un cas du genre atterrir sur son bureau chaque mois.
Des statistiques du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) illustrent bien cette tendance.
De 103 en 2015, les accusations liées au proxénétisme ont grimpé à 428 en 2019. Pour la première moitié de 2020, ce nombre atteignait 217.
Me Powell dit aussi avoir remarqué que les enquêteurs ont affûté leurs techniques pour coincer les souteneurs.
« Avant, c’était souvent la parole de l’une contre l’autre, dit-elle. Maintenant, il y a les textos, les conversations sur les réseaux sociaux, l’historique de navigation de l’accusé, et les annonces mises en ligne. Il y a même des cas qui impliquent des agents doubles. »
DE LOURDES SENTENCES
Dans les derniers mois seulement, une douzaine de vautours ont d’ailleurs écopé de lourdes sentences.
« C’est le résultat d’un travail de concertation avec tous les intervenants, se réjouit la sergente Geneviève Major, de la police de Laval. On commence à voir les résultats. »
Ce changement coïncide notamment avec la création par la Sécurité publique de l’équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme et avec la diffusion de nombreux reportages sur les jeunes femmes des centres jeunesse qui sont exploitées.
« Les fugueuses, ça ne date pas de 2017, mais ça a permis de lever un voile sur un tabou, croit la criminologue Maria Mourani. La médiatisation [des cas] a joué un rôle dans la prise de conscience de la société. Les gens en ont assez. »
Une prostituée n’est plus vue comme une « fille qui aime ça », souligne-t-elle, mais plutôt comme une personne qui peut être victime, et qui doit être soutenue par tous les intervenants.
Cette évolution des mentalités a donné lieu à des changements législatifs qui ont permis de mieux traquer les proxénètes. Les policiers semblent également mieux formés pour déceler les cas suspects.
AU TOUR DES CLIENTS
Par exemple, un patrouilleur qui pense qu’une femme se plaignant de violence conjugale pourrait être sous le joug d’un souteneur n’hésite plus à appeler l’escouade spécialisée.
« Systématiquement, cette équipe prend en charge le dossier, indique le criminaliste Serge Lamontagne. Les méthodes se sont raffinées, on sent qu’il y a une volonté que les dossiers aboutissent. Et les sentences sont assez solides, ça reflète la réprobation de la société pour ce type de crime. »
Mais même si la lutte au proxénétisme est sur la bonne voie, il ne faut pas qu’il y ait de relâchement, s’accordent à dire les experts.
« Et il faut que la police s’attaque désormais encore plus aux clients qui bénéficient de la marchandisation des femmes », insiste Maria Mourani.