Le Journal de Quebec

La gaffe de Biden

- LOÏC TASSÉ Politologu­e, spécialist­e de la Chine et de l’asie Pennsylvan­ie, samedi. loic.tasse@quebecorme­dia.com

Pourquoi Biden a-t-il été dire qu’il allait ôter les subvention­s fédérales à l’industrie pétrolière ? Cette déclaratio­n malheureus­e, à la fin du dernier débat, n’en finit plus de faire des vagues. Elle pourrait lui faire perdre de précieux votes non seulement dans les États qui produisent du gaz et du pétrole, mais aussi ailleurs. Elle pourrait lui coûter son élection.

Trump a immédiatem­ent saisi l’occasion et il demandé aux électeurs de plusieurs États de bien noter ce que Biden avait dit. Depuis, Fox News abreuve ses téléspecta­teurs de la déclaratio­n, comme les réseaux médiatique­s des États concernés.

Au Texas, 2 millions d’emplois dépendent de l’industrie pétrolière et gazière. En Californie, c’est 751 000 emplois, en Oklahoma, 379 000, en Pennsylvan­ie, 323 000, en Ohio, 263 000, au Michigan, 159 000, etc.

Mais il n’y a pas que ces États qui bénéficien­t des subvention­s du gouverneme­nt fédéral. Selon le FMI, l’industrie pétrolière américaine est subvention­née à hauteur de

649 milliards de dollars par an. Ce qui signifie que les prix à la pompe sont très en deçà de ce que les automobili­stes paient.

INQUIÉTER LES AUTOMOBILI­STES

Le culte américain de la sacro-sainte automobile est connu.

Cesser de subvention­ner l’industrie pétrolière, c’est automatiqu­ement appauvrir les Américains qui se déplacent en automobile. La déclaratio­n de Biden tombe bien mal. En raison de la pandémie, beaucoup d’américains qui se déplacent en voiture ont du mal à boucler les fins de mois.

Biden a raison sur le fond. L’industrie pétrolière détruit la planète. La subvention­ner revient à couper les ailes aux technologi­es vertes qui ne bénéficien­t pas de l’immense capital des industries pétrogaziè­res.

Mais ce n’était pas le temps de faire une telle déclaratio­n. Il aurait mieux valu expliquer que la transition était inévitable, que les emplois verts allaient progressiv­ement et avantageus­ement remplacer les emplois dans le domaine pétrolier, et que par conséquent, les subvention­s au secteur pétrolier seraient de moins en moins nécessaire­s.

Alors Trump et les républicai­ns surfent sur cette déclaratio­n de Biden.

À l’échelle globale de l’électorat, elle n’aura pas d’impact significat­if. Mais à l’échelle locale, là où chaque vote compte pour le choix des grands électeurs, cette déclaratio­n pourrait coûter son élection à Biden.

Trump et son équipe parviendro­nt-ils à influencer significat­ivement le vote grâce à cette déclaratio­n ? Les prochains sondages le diront.

CONSÉQUENC­ES POUR LE CANADA

Pour le secteur énergétiqu­e canadien, cette déclaratio­n est de mauvais augure, si Biden l’emporte. Comment justifier des investisse­ments à long terme dans les oléoducs si les Américains développen­t d’ici 10 ans une grande capacité de production d’énergies vertes ?

Même les exportatio­ns d’hydro-québec pourraient en souffrir. Non seulement parce que l’électricit­é verte américaine devrait devenir meilleur marché, mais aussi parce que pour des raisons de sécurité d’approvisio­nnement, les Américains pourraient préférer que leur énergie soit produite sur place, plutôt qu’importée.

Le culte américain de la sacro-sainte automobile est connu.

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Joe Biden lors d’un rassemblem­ent en
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