Aussi bon que les Chinois, mais pas assez pour Québec
Les fabricants québécois d’équipements de protection peinent à se faire entendre
Deux PME d’ici qui se sont mises à produire, en avril, des visières à des prix « à peu près aussi compétitifs » que les Chinois s’expliquent mal le manque de réceptivité du ministère de la Santé, à l’heure où le « made in Québec » est à l’honneur.
« Je suis extrêmement fier de mon équipe, on s’est retourné de bord en 21 jours, en mars, et tout le monde a travaillé là-dessus en malade », lance Serge Fraser, président d’optimoule, qui emploie plus d’une vingtaine de personnes à Thetford Mines.
L’ingénieur mécanique de formation était plus que content de fabriquer un produit utile lors de cette pandémie. Mais aujourd’hui, une « barrière » l’empêche d’aller plus loin : « le très mauvais acheteur » qu’est le gouvernement québécois.
Même chose chez MP Repro, à Montréal, où travaillent une cinquantaine de salariés. « L’achat local n’est finalement pas si important que ça », croit la PDG, Carmela Martinez.
Optimoule a la capacité de produire 2,4 millions de visières par année et en a vendu quelques centaines de milliers. Pourtant, son prix de vente est pratiquement le même que les visières achetées ailleurs par Québec.
Chez MP Repro, on en a vendu 50 000, alors que la capacité de production de l’entreprise était de 200 000.
Serge Fraser explique qu’il a « tout fait » pour parler à quelqu’un au ministère de la Santé, en vain. « J’ai épuisé tous mes recours. Je ne me sens pas outillé pour le petit bout qui reste, on s’est cassé un paquet de dents sur toutes les portes possibles », explique-t-il.
Carmela Martinez s’y est prise autrement. « Quand tout était bloqué, j’ai écrit une lettre au premier ministre. J’ai finalement parlé à quelqu’un à la Santé, mais ça n’a rien donné », raconte-t-elle.
Les visières d’optimoule sont même devenues « Le choix d’amazon », un gage de qualité sur la plateforme du géant de la vente en ligne. « On a un vrai produit à un prix très compétitif. Pourquoi c’est impossible de parler à quelqu’un à Québec ? » se demande M. Fraser.
« QUÉBEC NOUS A DEMANDÉ D’AIDER ET MAINTENANT, IL RETOURNE DANS SES VIEILLES PANTOUFLES. ON SE SENT UN PEU COMME LE BOUCHE-TROU. »
– Serge Fraser président d’optimoule
MOINS DE « MADE IN CHINA » ?
Au début du mois de septembre, le gouvernement Legault a présenté son « grand chantier » pour les deux prochaines années, soit de diminuer le « made in China » pour le remplacer par du « made in Québec ».
À l’association Sous-traitance industrielle Québec (STIQ), qui tenait d’ailleurs sa journée donneurs d’ordres / fournisseurs la semaine dernière, on ne peut que se réjouir de ce souhait.
« C’est sûr que plus on fabrique ici, plus on va être content. Mais il est trop tôt pour mesurer l’impact, on n’a aucun indicateur pour le moment », explique le PDG de ce réseau de PME manufacturières, Richard Blanchette.
LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ LACONIQUE
Se faire une place au sein de la boucle d’achat de Québec n’est tout de même pas une mince affaire. « J’en ai parlé au ministre Fitzgibbon, et je ne suis pas le seul, affirme Serge Fraser. Ils nous ont demandé de les aider, et maintenant, ils retournent dans leurs vieilles pantoufles. On se sent un peu comme le bouche-trou. »
À la Santé, à Québec, on refuse de dire à qui et combien de visières on achète pour « des raisons stratégiques et de sécurité ».
Dans un courriel on ne peut plus laconique, la porte-parole du ministère nous a dit que les achats de visières se sont faits chez « quatre entreprises québécoises et quatre fournisseurs à l’international » depuis mars.