Le Journal de Quebec

Il y a 25 ans, l’occasion ratée

- ANTOINE ROBITAILLE e Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Il était touchant d’entendre Lucien Bouchard et Mario Dumont en entrevue au hier.

Devoir

Vingt-cinq ans après le référendum, Bouchard se disait triste de cette occasion ratée à quelques dizaines de milliers de votes près.

Fait à noter, il ne parlait pas d’emblée, comme il le faisait il y a 25 ans, de la souveraine­té. Mais il soulignait que cela aurait été une occasion unique, pour la communauté politique québécoise, de s’exprimer enfin sur le statut politique qu’elle souhaite.

Depuis les débuts, ce n’était jamais arrivé.

IMPOSÉS OU NON RATIFIÉS

La nation québécoise n’a pas choisi le conseil souverain de la Nouvelle-france de 1663 (qu’un tableau géant de Charles Huot nous rappelle au Salon rouge de l’assemblée nationale). Par la suite, cette nation vécut dans une succession de régimes imposés ou jamais ratifiés par elle : Conquête britanniqu­e (1759), Acte constituti­onnel (1791), Union (1840), Confédérat­ion (1867), rapatrieme­nt de 1982.

PAYS DOUBLE

Bouchard a raison : un Oui en 1995, même faible, aurait ouvert quelque chose de nouveau ; aurait déclenché une « obligation de négocier », selon l’expression que la Cour suprême inventera en 1998.

Avant 1995, un de mes professeur­s, Guy Laforest, prévoyait que si un Oui advenait dans la décennie 1990, on aboutirait à la création d’une sorte de Canada-québec.

Il n’y aurait pas eu de séparation stricte, mais sans doute une souveraine­té-associatio­n comme on disait en 1980 ; ou « partenaria­t », comme on l’avait rebaptisée en 1995.

L’ÉNIGME

Que s’est-il passé pour qu’un résultat aussi fort que 49,42 % conduise à un tel effondreme­nt du camp nationalis­te par la suite ?

Avec une défaite bien plus difficile en 1980, René Lévesque avait su trouver des mots d’espoir. En 1995, l’acrimonie de Jacques Parizeau semble avoir annihilé la puissance du résultat.

Puis, ce fut son remplaceme­nt par Lucien Bouchard, qui vint à Québec un peu à contrecoeu­r, beaucoup par devoir. Il centra son action sur l’atteinte strictemen­t gestionnai­re du déficit zéro ; mais, tour de force, en complétant l’état-providence québécois (CPE, assurance médicament­s, etc.).

Mario Dumont et L’ADQ, pour leur part, abandonnèr­ent le nationalis­me constituti­onnel ; prônèrent même un moratoire de 10 ans sur ces questions en optant pour un positionne­ment de centre-droit.

Un quart de siècle a fini par passer. Et quiconque soulève aujourd’hui la question du statut politique du Québec se fait répondre sèchement que personne ne veut parler de ça : « Le fruit n’est pas mûr » ; « il n’y a pas d’appétit ».

Pensez-y : c’était assez important pour nous conduire à de grandes crises (déchiremen­ts de Meech, référendum de 1995) il y a 25, 30 ans.

Depuis, ceux qui posaient « problème », les Québécois, n’ont rien obtenu. Mais leurs élites leur ont dit de regarder ailleurs, de ne plus se plaindre, de ne plus revendique­r de statut politique.

De deux choses l’une : ou l’on avait exagéré les problèmes de notre statut (avec lequel on a décidé de s’accommoder tant bien que mal). Ou les Québécois ont opté pour une sorte de soumission.

Reste à voir si elle sera temporaire ou durable.

Écoutez Antoine Robitaille en semaine 18 h 30 ou en tout temps en balado sur qub.radio

 ??  ?? Lucien Bouchard
Bouchard a raison : un Oui en 1995, même faible, aurait ouvert quelque chose de nouveau ; aurait déclenché
une « obligation de négocier ».
Lucien Bouchard Bouchard a raison : un Oui en 1995, même faible, aurait ouvert quelque chose de nouveau ; aurait déclenché une « obligation de négocier ».
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada