Le Journal de Quebec

François Legault est totalement en désaccord avec Justin Trudeau

La position du Canada sur la liberté d’expression fait aussi grogner la France

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

OTTAWA | Justin Trudeau s’est attiré les foudres de François Legault, mais aussi de l’entourage du président français Emmanuel Macron en déclarant que la liberté d’expression n’est pas sans limites, dans la foulée des attaques terroriste­s en France.

« On ne peut pas accuser des personnes qui ont fait des caricature­s de justifier de cette façon [...] la violence. Je suis vraiment totalement en désaccord avec M. Trudeau, il faut protéger la liberté d’expression », a dit le premier ministre Legault, hier.

Il répliquait ainsi à son homologue fédéral qui, en pleine polémique sur les caricature­s du prophète Mahomet en France, a affirmé vendredi que la liberté d’expression n’était pas sans limites.

« Nous nous devons d’être conscients de l’impact de nos mots, de nos gestes sur d’autres, particuliè­rement ces communauté­s et ces population­s qui vivent encore énormément de discrimina­tions », a déclaré le premier ministre canadien.

« NOUS NOUS DEVONS D’ÊTRE CONSCIENTS DE L’IMPACT DE NOS MOTS »

– Justin Trudeau

À Ottawa, cette position a fait sursauter l’opposition.

« Ce que le premier ministre [Trudeau] laisse entendre, c’est qu’il faut censurer les propos qui pourraient déplaire et que la violence constituer­ait une réponse acceptable à des propos qu’on n’aime pas », a réagi le député Stéphane Bergeron, aux Communes.

Le bloquiste a rappelé le gouverneme­nt à ses devoirs en tant qu’allié et partenaire privilégié de la France.

« Le gouverneme­nt réalise-t-il qu’en plus de banaliser le terrorisme, le premier ministre nuit aux relations privilégié­es qu’entretienn­ent le Québec et la France ? » a-t-il demandé.

EN FROID AVEC PARIS

Le ministre des Affaires étrangères, François-philippe Champagne, a répliqué que « nos alliés voient que le Canada est l’un des grands défenseurs de la liberté d’expression dans le monde ».

Mais à Paris, on semble se poser de sérieuses questions.

« L’exécutif déplore la faiblesse du soutien du premier ministre canadien, Justin Trudeau, après les attaques de Conflans [l’enseignant décapité] et de Nice [trois morts dans une basilique] », écrit le quotidien français Lemonde, qui cite une source proche du bureau du président Macron :

« Il semble que nous ayons des exigences qui soient plus importante­s que celles de M. Trudeau », grince un interlocut­eur du chef de l’état.

ORDRE MORAL OU RELIGIEUX

Dans un entretien accordé à la chaîne Al Jazeera, le président français a souligné que revenir sur les balises de la liberté d’expression reviendrai­t à « instaurer » une « forme d’ordre moral ou d’ordre religieux ».

Il a dit regretter que beaucoup de pays dans le monde « aient renoncé à la liberté d’expression ces dernières décennies parce qu’il y a eu des polémiques, par la peur, par le chaos des réactions ».

Une déclaratio­n que les médias français ont liée à la position de Justin Trudeau et du président indonésien Joko Widodo, qui s’est élevé contre la liberté d’expression quand elle « blesse l’honneur, la pureté, et le caractère sacré des valeurs et symboles religieux ».

« IL FAUT PROTÉGER LA LIBERTÉ D’EXPRESSION »

– François Legault

 ?? PHOTOMONTA­GE, POOL JOSIE DESMARAIS, MÉTRO, ET D’ARCHIVES, REUTERS ?? Les premiers ministres du Québec, François Legault, et du Canada, Justin Trudeau, ne sont pas sur la même longueur d’onde.
PHOTOMONTA­GE, POOL JOSIE DESMARAIS, MÉTRO, ET D’ARCHIVES, REUTERS Les premiers ministres du Québec, François Legault, et du Canada, Justin Trudeau, ne sont pas sur la même longueur d’onde.

Newspapers in French

Newspapers from Canada