Le Journal de Quebec

Des remparts contre la peur

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

J’ai une relation d’amour de type filial avec le Vieux-québec.

Au primaire, au secondaire et au collégial, j’y ai étudié. C’est là aussi que j’ai commencé à travailler. Comme étudiant, dans des hôtels et un restaurant. Et comme professeur de cégep, éphémère première carrière.

Et depuis 15 ans, le « Vieux » est tout près de mon boulot, à l’assemblée nationale.

Je l’ai tellement arpenté depuis ma prime jeunesse, tellement contemplé, que j’ai l’impression de connaître chacune de ses pierres, édifices, vues.

Son histoire me passionne et m’intrigue, ses beautés m’émerveille­nt toujours (notamment la pointe de la citadelle, là où l’on peut s’extasier sur les méandres géants du fleuve). Ses enjeux urbanistiq­ues et patrimonia­ux me préoccupen­t particuliè­rement.

VIOL

Le déchaîneme­nt de violence gratuite de samedi, je l’ai donc pris comme une sorte de viol d’une personne aimée.

En plus, ce soir-là (pour des raisons banales que je vous épargne), je me trouvais à coucher dans le « Vieux » avec ma marathonie­nne d’épouse.

Samedi soir : coup de fil d’un de nos rejetons alors que nous dormions. Réveil brutal. Dehors, des policiers nerveux, partout, leurs gyrophares troublant la nuit. On traquait un tueur.

Les portes sont-elles bien verrouillé­es ? Les fenêtres pas trop accessible­s ? On se coucha tard, soulagés par l’arrestatio­n, mais évidemment bouleversé­s.

TRAUMATISM­E

Il faisait encore nuit hier matin, lorsque je sortis de la maison. Petite frayeur. Je regarde au-dessus de mon épaule. Traumatism­e ? Oui, évidemment rien par rapport à celui qui tenaillera les témoins directs du carnage.

J’ai alors eu un élan un peu lyrique : il faut résister. D’abord de manière rationnell­e. Cet événement atroce est une aberration, une anomalie. Les risques que cela se reproduise sont à peu près nuls.

Ensuite, pour résister, pourquoi ne pas courir et marcher dans le « Vieux », le soir ? En guise de pied de nez collectif à la peur.

Un geste en hommage aux victimes et au Vieux-québec, déjà éprouvé par la pandémie et que la folie meurtrière a voulu réduire à un décor macabre.

L’un des deux assassinés, François Duchesne, était un contemplat­if amoureux du « Vieux » qui adorait y faire son jogging. L’autre, Suzanne Clermont, grillait une dernière cigarette rue des Remparts, en admirant sans doute l’incroyable vue vers le bassin Louise et les Laurentide­s.

Évidemment, en raison de la COVID-19, on ne peut rendre cet hommage en groupe.

La Santé publique nous permet de courir ou marcher en duo ? Alors, formons des duos. Allons, à la noirceur, dans la vieille ville. Dieu sait qu’il y a beaucoup d’heures sombres en novembre.

Inspirons-nous un peu du Défi de novembre, séance collective d’entraîneme­nt qui a lieu sur les Plaines pour faire face à la grisaille (tous les mardis à 6 h 30, organisé par de dynamiques étudiants en physio et en kinésio de l’université Laval, et qui a lieu sous une forme covidienne cette année).

Bref, marchez et courez, puis envoyez-moi un mot ou même des statistiqu­es (Strava, Runkeeper, etc.) J’en rendrai compte sur mon blogue et à Qub.

Comme de petits remparts contre la peur.

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Cet événement atroce est une aberration, une anomalie.
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