Le Journal de Quebec

Les souffrance­s invisibles

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique c josee.legault @quebecorme­dia.com L @joseelegau­lt

La pandémie ne cesse d’exposer les multiples fêlures qui, depuis des années, minent gravement notre système de santé. Cette fois-ci, l’alarme sonne en réaction à l’horreur de la folie meurtrière qui, le soir de l’halloween, déferlait sur le Vieux-québec.

Les enquêtes diront si cette tragédie aurait pu être évitée ou non par un suivi psychiatri­que de l’accusé. Elle oblige néanmoins le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, à devancer son annonce d’un ajout de 100 millions $ en santé mentale pour 2020-2021.

Après des décennies de désinvesti­ssement chronique, voilà certes une bonne nouvelle. Le problème est toutefois que ce nouveau montant ne serait pas récurrent. Les besoins sont pourtant immenses.

Près de 16 000 Québécois attendent toujours pour du soutien psychologi­que ou psychiatri­que au public.

Ceux qui finiront par en avoir auront attendu de 6 à 24 mois. Une éternité intenable apte à multiplier les drames humains.

La crise sanitaire et l’isolement qu’elle impose font grimper d’autant les cas de détresse. Même avant la pandémie, les experts dénonçaien­t déjà l’état lamentable de « parent pauvre » qu’est la santé mentale dans le réseau public.

Les psychologu­es y étant sous-payés, une forte majorité d’entre eux travaillen­t au privé. Pour y avoir accès, il faut donc en avoir les moyens financiers.

Or, à 120 $/l’heure ou plus, de nombreuses personnes se voient obligées de vivre leur détresse sans soutien médical ou suivi actif. Ce système à « deux vitesses », modulé selon les revenus du patient, est une injustice criante.

PLUSIEURS « PARENTS PAUVRES »

Les « parents pauvres » du régime public, il en pleut au Québec : CHSLD, DPJ, déficience intellectu­elle, santé mentale, soins à domicile, etc. Là-dessus, je persiste et signe. Au fil des 25 dernières années, une culture de négligence envers les personnes vulnérable­s s’est installée.

En 2020, la pandémie oblige le gouverneme­nt Legault à tenter de réparer une partie des pots cassés, mais il devra aller plus loin. La santé mentale fait partie des « parents pauvres » les plus invisibles.

Un genou déboîté se voit mieux que la détresse psychologi­que ou des troubles psychiatri­ques. Ces souffrance­s sont aussi réelles, mais beaucoup plus discrètes. Elles ne font pas de bruit. Elles ne saignent pas.

LA RAMQ DEVRAIT SUFFIRE

Elles font cependant beaucoup de dommages. La violence qu’elle provoque est souvent intérieure et silencieus­e. Elle ne se retourne contre les autres que très, très rarement.

Parce que la détresse psychologi­que endommage de nombreuses vies et par ricochet, la société dans son ensemble, la psychothér­apie et la psychiatri­e devraient être couvertes par le régime public d’assurance-maladie. Point.

Ne pas le faire comporte sûrement un coût social et financier supérieur à l’investisse­ment public nécessaire pour une offre élargie et équitable en santé mentale.

La dépression, l’anxiété, le stress post-traumatiqu­e, les idées suicidaire­s ou les maladies psychiatri­ques ne se limitent pas aux salons douillets des mieux nantis. Loin s’en faut.

C’est pourquoi l’accès à des soins psychologi­ques ou psychiatri­ques rapides et de qualité ne devrait plus jamais dépendre de notre carte de crédit. Notre carte de la RAMQ devrait suffire amplement.

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L’accès à des soins psychologi­ques ou psychiatri­ques ne devrait plus jamais dépendre de notre carte de crédit.

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