Le Journal de Quebec

Jeux de société

- JEAN-CHARLES LAJOIE jean-charles.lajoie@ tva.ca

Lorsque l’on pratique un sport, on joue. Le verbe jouer appelle le mot jeu, qui lui appelle le mot jouet. Des jouets, voilà ce qu’ont longtemps été les concession­s sportives profession­nelles. Des bébelles permettant à certains mieux nantis de l’occident d’assouvir leur soif d’amusement.

Accessoire­ment, le bénéfice d’opérations était bienvenu, mais quasi secondaire. Ce qu’il fallait d’abord, c’est avoir la plus belle bébelle. Le jouet le plus performant, celui qui gagne. Il était facile de s’imaginer les propriétai­res de la Ligue nationale de hockey réunis en culottes courtes dans le carré de sable avec leur Tonka, rivalisant d’adresses pour gagner.

Peu à peu, imageons-les inspirés de leur Tonka, les décideurs du club sélect qui ont mieux structuré leurs opérations. L’emprise financière fut importante. Une forme de révolution.

Comme s’ils avaient réalisé que leur jouet était convoité et qu’il avait la capacité d’imprimer du fric.

Lentement le spectre du carré de sable a fait place au jeu de société. De gamins insouciant­s, les décideurs sont devenus adolescent­s, allumés, avides.

NOUVELLE PRIORITÉ

Le profit, qui était accessoire, est devenu la priorité. Mais comme il n’y a point de certitude quant aux victoires et championna­ts, il a fallu, pour garantir les bénéfices, diversifie­r les opérations. À Montréal, ça a assez bien réussi. Un succès fracassant, mais impensable sans une certificat­ion de la marque de commerce.

Parce que là encore c’était vaseux. Prisonnier de son palmarès étincelant, le CH ne pouvait plus espérer gagner une coupe Stanley sur trois comme ce fut le cas pendant 75 ans.

L’arrivée du repêchage universel, l’extension des marchés avec élargissem­ent des cadres et l’inclusion des joueurs étrangers en quantité, puis l’instaurati­on du plafond salarial, toute cette évolution naturelle et souhaitabl­e a eu pour effet de diluer la Sainte-flanelle. Le CH est devenu commun et mortel.

Désormais sur la planche à jouer du hockey, le Canadien n’était qu’un pion parmi tant d’autres et non plus le maître du jeu.

JOUER AU MONOPOLY

Le président Pierre Boivin est parvenu lors de son règne à ajuster les priorités au goût de cette nouvelle époque.

Sa valorisati­on réussie de la marque CH autour du centenaire de l’équipe aura permis aux propriétai­res du Canadien de continuer de jouer… cette fois au Monopoly. Respecté et recherché, le logo CH a permis une spéculatio­n avantageus­e sur des terrains convoités et un marchandag­e efficace avec des fournisseu­rs honorés de se faire voir dans les loges. L’élévation de multiples tours à condos s’ensuivit, témoin d’une optimisati­on des opérations partout, sauf sur la patinoire. Autrement dit, le club de hockey n’était devenu qu’un prétexte, l’arbre qui cachait la forêt.

Heureuseme­nt, ce temps semble révolu. Nous assistons au retour du balancier, celui qui impose une marque gagnante sur la glace afin de maintenir le mur en place. C’est au tour du peuple de trouver son plaisir, le plaisir de jouer et de gagner. Geoff Molson semble l’avoir compris. Parions que Marc Bergevin s’en réjouit.

Les prochaines saisons seront grisantes.

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