Le Journal de Quebec

Les droits de Bobby Orr

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Bobby Orr, qui vit maintenant aux États-unis, a payé une pleine page de publicité en faveur de Donald Trump.

Comme citoyen, il a le droit de faire connaître ses intentions. Il a également le droit et le devoir, s’il le juge à propos, de faire campagne en faveur du candidat de son choix.

Mais dans l’amérique du Nord de 2020, un individu a-t-il encore le droit d’exprimer publiqueme­nt son opinion quand elle ne va pas dans le sens des censeurs ?

Si j’en juge par la volée que subit l’idole du Canada dans certains médias et sur les réseaux sociaux, on peut effectivem­ent affirmer haut et fort ce qu’on pense… à condition de dire comme les bien-pensants habituelle­ment identifiés aux penseurs du Plateau. Ceux qui savent ce que le peuple devrait penser et faire. À condition que le peuple pense évidemment comme le Plateau.

LE PLATEAU DÉBORDE

Parfois, le Plateau déborde. Je pense à mon collègue et ami Jack Todd. Je suis un admirateur de Jack Todd. J’ai lu deux de ses superbes romans qui ont été de gros vendeurs aux ÉtatsUnis et sans doute au Canada anglais. J’ai lu pendant des années sa chronique dans The Gazette en grinçant des dents certains matins.

Mais toutes les fois qu’un projet de spectacle ou de télévision avait besoin d’un écrivain anglophone, je demandais toujours qu’on se tourne vers Jack Todd. Parce qu’il ne traduisait pas, il récrivait. Parfois c’était mieux que l’original. Et je le ferais demain si le gros projet dans lequel je suis impliqué va de l’avant comme prévu.

Mais j’ai ressenti un malaise en lisant le pamphlet de Jack contre la position de Bobby Orr. Y a une limite à vomir sur un homme. J’ai compris en lisant la brillante prose de mon ami toute la répulsion que le geste de Bobby Orr soulevait chez lui. Jack est un Américain qui a dû fuir son pays lors de la guerre du Vietnam. Pas par lâcheté, mais par conviction. Comme Muhammad Ali, il ne voulait pas aller tirer du Viet-cong.

Il a toujours été un social-démocrate convaincu et j’oserais dire un homme de gauche. La façon dont Donald Trump a agi comme président de l’ancienne plus grande puissance mondiale doit le révulser.

Mais Jack Todd s’est battu toute sa vie pour le droit de parler, d’influencer et de voter.

Il devrait reconnaîtr­e que le citoyen Bobby Orr a le droit de parler, d’influencer et de voter. Même s’il ne défend pas la bonne personne ou les bonnes idées…

MICHEL GOULET ET LE RÉFÉRENDUM

On s’est trop souvent moqué des athlètes qui osaient prendre des positions publiques sur les grandes questions politiques. Guy Lafleur a subi ces moqueries, d’autres ont eu droit à des sarcasmes.

Mais on demande aux grandes vedettes, incluant les athlètes, d’être également des citoyens complets. D’avoir des idées et d’oser les affirmer.

Pas obligé de sortir Bobby Orr des boules à mites. Son agent était Alan Eagleson, un homme fort du Parti conservate­ur. Orr, à 25 ans, était déjà de droite.

Mais il avait le droit. Dans les plus grandes années de l’affirmatio­n nationale du Québec qui a mené à l’élection de René Lévesque et du premier référendum, j’étais souveraini­ste. Avant Lévesque, j’étais indépendan­tiste. Et avant j’étais un séparatist­e. C’est assez clair.

Ça n’enlevait rien au droit de Serge Savard d’être fédéralist­e et d’être surnommé le « Sénateur ». Ni de Jean Béliveau. Ni de Bob Gainey ou de Ken Dryden.

Ils avaient parfaiteme­nt le droit de défendre leurs conviction­s dans les grands moments de tension entre Québec et le Canada. Et il ne faudrait pas oublier que ces grandes tensions des années 70 suivaient l’invasion du Québec par l’armée canadienne.

À ce que je sache, personne n’a traité Scotty Bowman de traître.

Et je veux souligner que Michel Goulet et Pierre Lacroix, qui s’étaient prononcés en faveur de la souveraine­té du Québec, ont été respectés par leurs coéquipier­s et leurs adversaire­s.

PETER STASNY ET LES SLOVAQUES

La vie même des athlètes est un geste politique. Quand ils enfilent le chandail rouge décoré d’une feuille d’érable, ils endossent un pays et un système. Et on doit les respecter.

Je me rappelle quand Peter

Stastny nous expliquait la situation de la Slovaquie quand il est arrivé avec les Nordiques. Stastny était un souveraini­ste convaincu et travaillai­t fort pour contribuer à la séparation de la Slovaquie de la Tchéquie.

Puis, Marian s’est joint à lui.

Installé à Québec, Marian Stastny était le président de la diaspora slovaque internatio­nale.

On sait tous que Peter représente la Slovaquie au gouverneme­nt européen. Il a négocié l’entente de libre-échange Canada-europe avec Pierre Marc Johnson.

Aurait-il fallu l’éreinter à l’époque parce qu’il était « séparatist­e ».

En fait, Bobby Orr subit les dommages collatérau­x de la haine viscérale que certains éprouvent pour Donald Trump. Les égouts débordent.

Vous savez, ça se résume à la vieille phrase de Voltaire. C’est sûr que Trump soulève les passions comme jamais dans l’histoire des États-unis. C’est évident qu’on peut le haïr. Il a trouvé le moyen de bafouer les valeurs fondamenta­les de la démocratie. Il a été grossier avec les femmes.

Mais aux dernières nouvelles, il respecte encore et toujours les droits des citoyens à une élection démocratiq­ue.

Donc Voltaire aurait encore le droit de dire sa phrase : « Je suis totalement contre le geste de Bobby Orr de payer une page de publicité pour un politicien que je haïs. Mais je me battrai jusqu’au bout pour que Bobby Orr ait le droit de défendre son option ».

DANS LE CALEPIN | Artem Oganesyan n’a que 21 ans. Hier à Minsk en Biélorussi­e, il a sans doute pris plus d’expérience en un seul combat contre le dur vétéran Alexandr Zhuravskiy que dans ses 11 combats précédents. Un combat acharné, difficile que le gamin D’EOTTM a gagné par K.-O. à la fin du combat de 10 rounds. On le savait rapide et puissant, il l’a été. Mais on sait maintenant qu’il est très coriace.

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PHOTO D’ARCHIVES Après avoir ouvertemen­t appuyé Donald Trump, Bobby Orr a subi les foudres de nombreux internaute­s sur les réseaux sociaux.
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