Ottawa retient son souffle
OTTAWA | L’angoisse était vive à Ottawa la nuit dernière alors que le gouvernement et les conseillers politiques de toute la capitale retenaient leur souffle dans l’attente des résultats d’un scrutin américain aussi imprévisible que le président sortant.
Assis sur le bord de son siège toute la soirée, Roland Paris, ex-conseiller en matière d’affaires étrangères au bureau du premier ministre de 2015 à 2016 regardait les résultats défiler, conscient d’assister à une nuit historique.
« Il faut absolument rester calme. De toute façon, quoi qu’il arrive,
Donald Trump est président jusqu’en janvier », soufflait le professeur à l’université d’ottawa pendant que les deux candidats étaient toujours nez à nez.
Les États-unis étant notre plus important partenaire économique, l’issue du scrutin américain aura des répercussions très concrètes chez nous.
CAUCHEMAR POUR TRUDEAU
M. Paris craint que si Donald Trump remporte son pari et reste en poste, il puisse être encore plus imprévisible que lors de son premier mandat, au cours duquel il nous a déclaré une véritable guerre commerciale.
« C’est probablement un véritable cauchemar pour le premier ministre [Justin Trudeau] », indiquait pour sa part Stephen Azzi, spécialiste des relations canado-américaines et directeur du programme de management politique à l’université Carleton d’ottawa.
Cet ancien conseiller et analyste politique souligne que le gouvernement Trudeau a dû dédier « d’énormes ressources » pour gérer l’imprévisible président républicain, un homme « capable de tout n’importe quand ».
Les deux analystes s’entendent pour dire que, quel que soit le résultat, le gouvernement canadien ne doit pas baisser sa garde, car Trump et Biden ont en effet tous les deux des visées protectionnistes capables de miner nos échanges commerciaux.
MIEUX PRÉPARÉ
Toutefois, selon eux, Ottawa est maintenant mieux préparé à répliquer grâce aux nombreuses relations développées avec des sénateurs, des maires et d’autres influenceurs politiques au cours des quatre dernières années pour défendre nos intérêts économiques communs.
Mais malgré les efforts de négociation, « la réalité, c’est que les administrations américaines ont toujours refusé d’abandonner la politique Buy America et nous devrions cesser d’espérer que ça cesse », estime Maude Barlow, ex-présidente du Conseil des Canadiens et prix Nobel alternatif pour sa contribution à la quête de « moyens d'existence justes ».
Pour cette activiste, une réaffirmation du protectionnisme américain est une opportunité pour le Canada de se repenser et de réduire sa dépendance aux marchés nord-américains internationaux pour protéger les travailleurs canadiens des aléas du libre-échange.