Le Journal de Quebec

Les géants du web sont encore morts de rire

- GUILLAUME ST-PIERRE Chef du bureau parlementa­ire à Ottawa guillaume.st-pierre2@quebecorme­dia.com

Le gouverneme­nt Trudeau a déposé hier un de ses projets de loi les plus attendus des dernières années, qui est censé serrer la vis aux géants du numérique. Alors pourquoi s’est-il assuré qu’on n’en parle à peu près pas ?

Le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, a choisi le jour de la présidenti­elle américaine pour présenter son bébé.

S’il en était si fier, M. Guilbeault aurait assurément choisi un autre moment.

En politique, le timing de ce genre d’annonce n’est pas laissé au hasard.

On a l’impression que le gouverneme­nt Trudeau a voulu baisser les attentes.

À la lecture de la pièce législativ­e, on comprend pourquoi.

DES TROUS

Les libéraux ont fait de grandes promesses concernant l’encadremen­t des géants du web américains qui vampirisen­t l’écosystème culturel et médiatique canadien.

Ottawa a franchi un premier pas très important, en annonçant que les diffuseurs en ligne comme Netflix seront obligés de contribuer financière­ment à la création de contenu canadien.

Mais cela ne reste qu’une première étape, alors que le chantier est énorme et que le temps file.

Avant de parler de ce que contient le projet de loi libéral, voyons ce qu’il ne contient pas :

- Rien sur l’obligation pour les géants du web comme Google ou Facebook de verser des redevances aux médias d’informatio­n pour le contenu médiatique qu’ils partagent.

- Rien sur la taxation des revenus publicitai­res réalisés par ces mêmes plateforme­s au Canada.

- Rien sur l’obligation des services de diffusion en ligne étrangers comme Netflix d’appliquer les taxes de vente fédérales.

Ottawa perd chaque année des milliards en revenus. Pendant ce temps, le déficit public se creuse.

Le gouverneme­nt Trudeau promet d’agir sur ces fronts. Mais quand ?

M. Guilbeault demande encore un peu de patience et renvoie la balle dans la cour de sa collègue du ministère des Finances, Chrystia Freeland.

AVANCÉES

Cela étant dit, le projet de loi libéral enclenche une petite révolution dans le monde des télécommun­ications.

Fini, en principe, le Far West où les services de diffusion étrangers comme Netflix, Amazon Prime, Disney Plus, Apple Music ou encore Spotify n’ont de comptes à rendre à personne.

Ils devront à l’avenir financer du contenu canadien, selon un pourcentag­e de leurs revenus qui reste à déterminer.

À l’heure actuelle, les télédiffus­eurs traditionn­els canadiens, dont les revenus sont en baisse constante, portent seuls cette obligation.

Ottawa évalue l’apport supplément­aire des géants du numérique à notre industrie culturelle à près de 1 milliard par année.

On se demande comment nos gouverneme­nts ont pu laisser filer autant d’argent depuis si longtemps.

Il est bien sûr complexe d’encadrer des multinatio­nales qui n’ont pas de présence physique au pays.

On se demande comment nos gouverneme­nts ont pu laisser filer autant d’argent depuis tant d’années.

Mais il ne faut pas minimiser l’efficacité du travail de leurs lobbyistes.

La réforme des communicat­ions des libéraux ne fait que commencer.

Sauront-ils la mener enfin à terme avant les prochaines élections ?

 ??  ?? Steven Guilbeault
Steven Guilbeault
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada